Tiens, moi qui vous cause hebdomadairement, cette semaine, pour des tas de raisons, je n’ai pas envie de m’énerver. D’abord, parce que ça devient courant et répétitif et qu’en plus, je suis sûr que ce n’est pas recommandé pour un type avec une tension élevée comme la mienne. Pourtant, y aurait de quoi, entre la surdité gouvernementale, le jusqu’au-boutisme syndical, l’ineptie des réseaux, la bêtise abyssale des religieux et des militants, la lâcheté des médias et le prix des clopes. Mais non, ce coup-ci, tout ça n’est pas pour moi, je prends un peu de vacances et je vous parle d’autre chose, je laisse la jeune Mila entre les mains expertes de Sibille – heuu, en tout bien tout honneur, d’abord, elle n’est pas, selon ses dires, amatrice de la gent masculine et ensuite, mon camarade n’est pas un Matzneff en puissance -, j’abandonne le chômage, la pollution, l’extrême-Blonde et le Lider Minimo, j’évite l’antisémitisme, j’ignore la connerie ambiante, bref, je me donne de l’air.
Et je vous fais un aveu. Je suis rôliste. Oui, oui, depuis 1980, ce qui ne me rajeunit pas des masses, je lance des dés de formes bizarres pour faire vivre des aventures à des personnages de papier. Et j’adore ça. Je sais bien qu’à mon âge, se réunir avec d’autres quinquas pour essayer de mettre à bas un vampire régnant sur une baronnie désolée ou tenter de s’opposer à un culte maléfique au cœur de l’Afrique coloniale, ça peut sembler étrange, voire ridicule. Pas grave, j’assume. Pour moi, faire une partie de jeu de rôle, c’est comme aller au cinéma, sans avoir à débourser un radis et en étant – un peu, des fois, ça merde – le héros de l’aventure. Quatre décennies à jouer à être un noble guerrier ou un subtil détective – nan, j’déconne, moi, je suis plutôt du genre voleur chafouin ou porte-flingue borné – et je continue à trouver ça génial Et non, je n’irai pas consulter un pédicure du ciboulot pour autant.
Ce qui me titille le neurone à JdR – comme disent les amateurs de la chose – c’est l’évolution de l’image de mon hobby favori au cours des âges. Tiens, pas plus tard qu’il n’y pas longtemps, un mien copain me passe un lien sur YouTube pour une chaîne plutôt maligne et qui s’intéresse à l’histoire du jeu. Et l’auteur de ces vidéos revient sur une émission de Mireille Dumas, l’animatrice la plus bouclée du PAF des années 90, émission célèbre dans le milieu rôliste, car totalement à charge. Je ne vais pas vous refaire le débat – la chaîne Polyèdres en Hexagone : vous informera mieux que moi – car il est largement dépassé et battu en brèche, mais je m’amuse de constater le changement de paradigme comme on dit dans les milieux savants et chez les militants branchouilles quant au jeu de rôle.
En effet, après avoir été une niche de niche pour geeks adolescents au début des années 80, puis porteur de tous les dangers pour les médias de 1990 à 2000, voilà qu’en 2020, particulièrement avec la 5e édition de Donjons et Dragons, qui fait un carton, le jeu de rôle devient hype, chic, élégant, bref, un must. Avant, réservée à de jeunes adultes mâles et mal lavés pour la plupart, grâce au changement de génération – et à Stranger Things, aussi, merci Netflix… -, voilà que cette activité ludique confidentielle casse les murs et devient mainstream. Plus la peine d’expliquer à des parents surpris et inquiets qu’on va aller péter la gueule à des trolls ou faire des invocations pour empêcher la survenue du grand Cthulhu, c’est maintenant chose courante. Et ça va plus loin, car de passion gratuite entre potes, le média devient payant, certains MJ – maîtres du jeu – sont rémunérés pour leur job par des néophytes désireux de découvrir les mystères du jeu. Je ne vais pas sortir les violons du « C’était mieux avant », moi, je m’en fous, je joue avec mes potes, avec plaisir, et gratuitement, même si Grand Fred fait vraiment des jets pourris qui nous foutent tous dans la merde, vous ne pouvez pas comprendre, mais je m’étonne tout de même de cette évolution.
Alors, oui, je sais, vous vous foutez copieusement de tout ce que je viens de vous raconter, les dragons, pour vous, c’est au mieux, un titre de dessin animé, au pire, une troupe napoléonienne et les donjons, vous ne les fréquentez pas, vous n’aimez pas le BDSM. Vous avez sûrement raison, il y a certainement mieux à faire que lancer des bouts de plastique pour s’amuser le samedi. Certes.
Mais moi, je m’en fous, j’attends avec impatience la prochaine partie, avec du bol, je passerai peut-être au niveau 4 de Sorcier.
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