5 minutes mort comprise

par | 1 Oct 2019

Anthony CASANOVA est politiquement correct

C’est une habitude, peut-être une élégance, que Brassens avait assez joliment formulée: «les morts sont tous de braves types». Alors, il suffit qu’une personnalité plus ou moins actuelle passe de vie à trépas pour que le peuple se sente endeuillé. Que voulez-vous, le peuple a bon fond. Dans le cas de Jacques Chirac, homme politique professionnel de 1962 à 2007, l’émotion se mêle à la nostalgie pour ne retenir que les bons côtés d’un homme qui n’en avait que peu. Certes, l’homme Jacques Chirac fut sans doute un brave gars mais il n’y a que ses amis pour le dire, or, malheureusement pour nous, nous n’avons eu affaire qu’à Chirac député, secrétaire d’État, ministre, Premier ministre, maire de Paris puis président de la République.

Cela faisait 12 ans qu’il avait quitté ses fonctions de président, presque autant que nous le savions malade, alors aujourd’hui sa mort résonne comme un lointain souvenir des combats oubliés. S’il est vrai qu’avec le temps on n’aime plus, on ne déteste plus non plus. Ainsi, l’amnésie aidant, on conclue qu’il n’était pas si mauvais et que nous aurions tort d’oublier les deux ou trois bonnes choses dont il fut l’auteur. Ah! les deux ou trois bonnes actions de Chirac, on les entend trop pour comprendre ce qu’elles veulent dire: les splendeurs de Chirac se comptent sur les doigts d’une main. En revanche, ses saloperies: elles ne se comptent même plus. Les bassesses de Chirac, ses mensonges, sa vulgarité, son cynisme méprisant, il faudrait être Prévert pour en faire l’inventaire.

Alors, je n’en retiendrais qu’une, la dernière: Un an avant la fin de son pitoyable second mandat, des manifestations se transformant souvent en émeutes s’organisaient dans le monde pour protester contre 12 caricatures parues dans un journal danois. Des ambassades furent attaquées, la diplomatie internationale était en crise. Journalistes et dessinateurs se retrouvaient menacés de mort. N’écoutant que sa dignité, le journal Charlie Hebdo exprima sa solidarité en publiant les fameuses caricatures lors d’un numéro spécial. Chirac, lui, n’écoutant que le bruit des Rafales de Dassault Aviation et l’odeur de l’argent qui va avec, ce fier représentant du pays des Droits de l’Homme, de la Révolution et de la liberté d’expression jeta en pâture Charlie en condamnant «les provocations manifestes susceptibles d’attiser dangereusement les passions» car « tout ce qui peut blesser les convictions d’autrui, en particulier les convictions religieuses, doit être évité. La liberté d’expression doit s’exercer dans un esprit de responsabilité», avant de conclure: «Si la liberté d’expression est un des fondements de la République, celle-ci repose également sur les valeurs de tolérance et de respect de toutes les croyances». Entre le totalitarisme religieux et la liberté de penser, Chirac fit un choix dont les conséquences donne irrémédiablement envie d’aller cracher sur sa tombe.

Une dernière pour la route: Jacques Chirac en 1978, alors maire de Paris, la Ville lumière dont il s’évertua à chasser la vie au point de préférer faire voter les morts déclarait: «Pour moi, la femme idéale, c’est la femme corrézienne, celle de l’ancien temps, dure à la peine, qui sert les hommes à table, ne s’assied jamais avec eux et ne parle pas». Les femmes «qu’il chevauche sans plus de préliminaires, parce que le temps presse» (d’après Daniel Le Conte dans le livre Président, la nuit vient de tomber), le surnommaient «5 minutes douche comprise». Jamais surnom n’a aussi bien collé à un homme puisque se rappeler des bonnes actions de Jacques Chirac doit prendre 5 petites minutes. En revanche, si l’on commence à se remémorer toutes les infamies de Jacques Chirac en 45 ans de carrière politique: on a inévitablement besoin de prendre une bonne douche.

par Anthony Casanova

Anthony Casanova par Babouse

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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