A celui qui ne la lira pas
Par Anthony Casanova , le 10 avril 2018
Anthony CASANOVA est politiquement correct
Je vous écris directement… en voilà une façon bien conne de vous saluer, me diriez-vous. Car oui, nous le savons, vous n’êtes pas parti, vous ne vous êtes pas envolé, vous n’avez pas disparu ni rejoint les anges ou les Enfers, vous êtes mort un point c’est tout. M’adresser à vous n’est qu’un jeu littéraire pour oublier, l’espace d’une chronique, que nous ne rirons plus ensemble. Mon cher Patrick, je tenais, via le subterfuge d’une chronique ne s’adressant pas à son destinataire, vous dire à quel point je vous ai aimé. Vous, le fantaisiste, l’iconoclaste, le paria, mon ami.
Mon cher Patrick, mon vieil ami, vous ne me pardonnerez pas de vous tutoyer aujourd’hui puisque je ne l’ai jamais fait, et que je ne le ferai jamais. Non, jamais je ne dirai « tu» à vous qui m’avez tant apporté. Tout d’abord vous m’avez appris, sans le vouloir, le réel. Car il en a fallu, pour ma part, du questionnement pour venir vous rencontrer. Il faut dire que j’ai découvert vos textes et vos œuvres sans savoir que vous aviez fait de la prison pour la moins noble des raisons. Moi, qui me pensais de gauche, avec tout le tralala que cela incombe, vous m’avez forcé à me questionner sur la double peine avant même que l’on se dise «bonjour». Loin d’être anecdotique, j’eus à mettre en pratique mes théories. J’ai compris, avec le temps, que la plèbe est toujours plus bienveillante avec ceux qui ne passent jamais devant les tribunaux qu’envers les anciens condamnés. La chanson Celui qui a mal tourné de Brassens n’a jamais autant pris tout son sens. Au final, je fus fier d’être près de vous, de monter sur scène avec vous, et de partager les mêmes galères.
C’est pour avoir votre avis sur «mes» chansons que je vous ai rencontré. Puis, hasard de la vie, alors que je montais en Haute-Savoie pour chercher un auteur que j’appréciais, j’en suis redescendu en ayant trouvé un ami. Cette amitié a jalonné ma vie durant 14 ans. 14 ans, ce n’est pas tout, ce n’est pas rien non plus. En 14 ans, s’est forgées entre nous une confiance, une fraternité, une complicité dont je vous serai toujours redevable. J’ai aussi développé, à vos côtés, une certaine intransigeance sur ce que doit être une chanson au point que je n’arrive toujours pas à écouter je-ne-sais quelle nouvelle chanson française sans me dire que c’est invariablement de la merde.
Je garderai en mémoire la fulgurance de votre humour. Votre vivacité pour démasquer la connerie par un trait d’esprit qui ressemblait à s’y méprendre à un bazooka. Vous n’étiez pas un génie mais vous étiez génialement drôle. Hasard du calendrier, le 05 avril 2010, l’autre fondateur du Coq des Bruyères, Denis Zavarise nous quittait. Ça nous fera donc deux trous dans l’eau qui ne se refermeront jamais. Vous aimiez dire: «Toute personne qui m’a donné cinq minutes de plaisir mérite mon éternelle reconnaissance», que dire, en ce qui me concerne, après 14 ans de rigolade?
Alors, pas d’au-revoir, puisque nous ne nous verrons plus. Pas d’adieu, puisque je n’y crois pas, donc simplement: salut l’ami, et merci pour tout.
PS: Je dédie cette chronique à tous ceux qui ont aimé Patrick Font. Si tous les cimetières ne sont pas remplis par de gens irremplaçables, nous, nous savions qu’il l’était. Organisons vite une grande soirée pour se réunir sur une scène, chanter ses chansons, et rire un bon coup !
par Anthony Casanova