Oh ma lectrice, toi qui est géniale entre toutes les gonzesses, précisément et justement pour cette seule et unique raison que tu m’a lu jusqu’à ce dernier numéro de l’année du «Coq», (ou: «numéro du Coq de l’année», plutôt, pour toi, qui crois à l’horoscope chinois), tu te souviens certainement de la chronique que j’avais consacrée, il y a environ un an et demi, à une personne qui m’avait tant soit peu agacé; et, vu que je suis un esprit… Et mince, j’ai perdu ma ligne, comme le dit trop souvent Richard Gasquet, (et Frédéric Beigbeder aussi, même si un peu moins souvent et pas la même.) Et ça y est, je l’ai retrouvée aussi vite. Ma ligne. Non, pas toi, maligne, enfin, si, mais la mienne, de ligne. Bref.
Donc, vu que je suis un esprit chagrin, disais-je avant d’avoir été interrompu par moi-même, le fait d’être agacé par elles est d’ailleurs le point commun le plus remarquable entre quasiment toutes les personnes à qui je consacre ces quelques misérables minutes que tu chéris tant. Celle-là s’appelait, (et elle s’appelle vraisemblablement toujours), Céline Alvarez, et avait été propulsée au moment de cette rentrée scolaire 2016 vedette non contestée de pas mal d’émissions qui avaient l’outrecuidance de nous parler d’école. Et elle venait, dans une école de Gennevilliers, de mettre en place une pédagogie absolument révolutionnaire à partir de laquelle les enfants sortaient de sa classe les yeux pleins d’étoiles, les parents au bord d’exiger sa canonisation, et, donc, une bonne partie des présentateurs d’émissions en mal de scoop prêts à lui tendre un micro avec un enthousiasme comparable à celui de DSK présentant la partie la plus noble de son individu à une femme de chambre new-yorkaise. Le peignoir en moins. Enfin, du moins prétendait-elle tout ça. Excepté ce petit codicille de mauvais goût concernant l’ex-mari d’Anne Sinclair.
A l’époque, je la trouvais simplement urticante de prétention, la Céline, et m’usinais le pacemaker à essayer de deviner ce que les «media» pouvaient bien lui trouver. En dehors de leur exercice de haine viscérale et ordinaire envers les vrais professeurs. Ceux qui font leur boulot dans la discrétion, l’anonymat, et avec un vrai talent. Et puis, je tombe aujourd’hui, (enfin, il y a deux jours, le temps d’écrire cette chronique), sur quelques articles dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont édifiants. (Merci à «Pa Pi», de «facebook» dont voici le lien pour son article)
«Agir pour l’école», qui a lancé Céline Alvarez, est une «plateforme d’expérimentation» satellite de l’institut Montaigne. L’institut Montaigne fait du lobbying pour essayer d’insuffler une vision ultra libérale, (mais uniquement au sens «thatchérien» du mot) dans l’éducation nationale. «Agir pour l’école» est dirigée par Laurent Cros, énarque, haut fonctionnaire au Budget et ancien adjoint du directeur de cabinet du ministre de l’éducation de Sarkozy. «Agir pour l’école» met sur orbite de faux chercheurs, mandatés pour enfoncer un coin dans l’éducation nationale, et y surimplanter l’idée qu’aucun progrès dans l’apprentissage ne puisse être envisageable sans un recours massif aux ordinateurs et autres tablettes.
Des preuves?
En mars 2016, l’institut Montaigne, (tout en s’inspirant évidemment des par ailleurs très surestimées et «surcitées» «enquêtes PISA»), publie un rapport sur la numérisation à l’école. Et kicéti donc qui a produit ce rapport ? De toute évidence, un humaniste pétri du désir d’épanouissement par la connaissance de nos charmants bambins, puisqu’il s’agit d’Henri de Castries, PDG d’AXA et, (entre autres), ancien administrateur chez Nestlé et chez HSBC. Un peu comme si on confiait une mission d’apuration de la chanson française au rappeur Médine. Ou le ministère des droits des femmes à Tarik Ramadan.
Bref, je laisse pour finir la parole à Françoise Cahen, (une vraie enseignante dans une vraie discipline, (les lettres), outrée comme moi par la surmédiatisation de la dangereuse insignifiante, mais qui le verbalise beaucoup mieux.)
« On avait pourtant le choix de notre carrière. Il y aurait bien eu cette solution : passer trois ans dans l’éducation nationale, et devenir Jésus… je veux dire Céline Alvarez… C’est à dire faire des miracles, (imposer nos mains montessoriennes afin que tous les enfants deviennent Einstein à la sortie du berceau) puis rapidement devenir Martyre – crucifiée par l’éducation nationale- avant la résurrection médiatique sous la forme d’un livre qu’on multiplie comme les petits pains. Mais non. Nous, on a préféré un truc moins glamour, moins paillettes, moins papier glacé, et moins mystique. Au lieu de devenir Jésus-des-écoles, ou Céline Alvarez, on a voulu devenir enseignants.»
Sur ce, excellentes vacances à toi, ô ma lectrice, et à dans deux mois, (environ.)
par Christophe Sibille
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