Alamo 2, le retour

par | 23 Nov 2021

Je sais bien que John Wayne était un vieux réac républicain, je me dis aussi qu’en pleine période d’éveil des consciences – car je m’interdis désormais de dire wokisme, pour ne pas faire râler mon ami Alexis et pour ne pas prêter flanc aux amitiés douteuses avec certains qui me puent au nez – en peau de lapin, il faut regarder avec mépris les films de ces mâles blancs cisgenres, machistes et chasseurs, en plus, je suis certain qu’ils mangeaient des chatons mignons au breakfast, hé bien, malgré ça, Alamo est un putain de bon film. Oui, moi qui vous cause bimensuellement de mes petites humeurs, j’adore ce film en particulier et les westerns en général. Ce qui fait certainement de moi un affreux raciste ethnocentré indigne d’être invité au goûter d’anniversaire d’Alice Coffin ou au mariage d’Adrien Quatennens, mais bon, moi, ça va, je le vis bien.

Vous me direz, car vous adorez m’interrompre quand je vous parle, que savoir que j’aime les tue-tue pan-pan vous est absolument équilatéral et que ce n’est pas pour mes opinions sur le cinoche ou les vielles stars déchues d’Hollywood que vous perdez 5 minutes à décortiquer mon verbiage. Et je vous dirais, avec amabilité, car je suis un petit gars bien aimable malgré les apparences, que vous avez certainement raison, mais vu que je fais ce que je veux dans cette chronique, je m’en cogne. Mais, comme je connais les bonnes manières et qu’en plus, c’est vrai, tout le monde se contre-branle de mes avis sur l’art filmique, je retourne à mes habituelles affaires et je vais dire du mal des gens, car telle est ma mission, mon devoir et ma joie.

Bon, honnêtement, vous savez bien que je n’ai pas cité Alamo pour rien, c’est une façon de parler d’autre chose, je ne vous la fais pas, à vous. Car, si vous vous rappelez l’histoire – et l’Histoire, car le film est assez juste d’un point de vue historique, même si c’est vu du côté ricain -, à Fort Alamo, une poignée d’Américains, dont Davy Crockett et Jim Bowie, résistent héroïquement aux assauts du général mexicain Lopez de Santa Anna, à 180 contre 3 000, même si les premiers finirent tous massacrés par les seconds, ah, c’est vraiment pas de bol ! C’est courageux, c’est noble, c’est sublime, tout ça tout ça, mais, finalement, c’est franchement inutile, et totalement inefficace, même si ça donne de beaux récits de courage moral.

Tiens, un peu comme France Inter. Oui, je sais, je tire souvent sur cette cible, mais ce n’est pas ma faute, c’est eux qui ont commencé. Et pourquoi je compare la Maison ronde actuelle et le fort texan du XIXe siècle ? Ben, parce que la situation est presque la même. Sauf que les animateurs et les invités récurrents de la station généraliste publique n’ont pas les uniformes bleus de l’US Army et qu’à l’extérieur, ce n’est pas la soldatesque mexicaine, mais la Droite. Bien campés sur les positions intellectuelles de la gauche morale, comme l’étaient les assiégés d’Alamo sur leur volonté de rattacher le Texas aux États-Unis, ils résistent. C’est grand, c’est beau, c’est noble. Et c’est complétement con et apparemment fondamentalement inutile.

Ouiiiii, me diront mes derniers lecteurs de Gauche et Alexis, t’exagères, c’est pas vrai, c’est vachement pluraliste, Inter et puis, c’est la première radio de France, ça veut bien dire des trucs. Certes, ça veut certainement dire des trucs, mais lesquels et pourquoi, ça, ça reste un grand mystère en ce qui me concerne. Car malgré les fulgurances senestres des uns et des autres et particulièrement de ce couillon autosatisfait de Meurice, le peuple français penche de plus en plus à Droite. Très à Droite. Voire à l’extrême-Droite. Ce qui me fout au moins aussi en rogne que le monolithisme de Gauche d’Inter quoi qu’en pensent mes derniers amis de Gauche et Alexis. Et qui démontre de façon parfaitement, hélas, que l’entre-soi que pratique cette radio ne convainc que les convaincus. C’est très bien de se rassurer en groupe, c’est parfait de se réunir entre potes, ça réchauffe les cœurs brisés et soigne les âmes blessées, mais, au fond, ça ne sert à rien, politiquement parlant.

Qu’on me comprenne bien. Je n’ai rien contre la politisation d’un média, c’est même sain, et si cette vieille bouse journalistique de Valeurs Actuelles existe, il faut bien que l’on puisse trouver son pendant de l’autre côté de la barrière idéologique. Certes. Mais alors, si on est de Gauche et militant, il faut l’assumer et ne plus se cacher derrière son petit doigt en jouant les vierges – mâle ou femelle, je ne veux pas d’ennuis avec les intersectionnalistes – effarouchés quand on nous met le nez dans nos propres déjections. Animateurs et journalistes d’Inter s’offusquent quand on souligne leurs positions intellectuelles – si j’ose dire intellectuel, vu que dans le tas y a deux trois sacrés couillons – mais ne se remettent jamais en question. Le plus désarmant étant le passage par le confessionnal de la médiatrice de la chaîne, où ceux qui sont, parfois, interpellés viennent expliquer aux auditeurs qu’en fait, ce sont ces derniers qui se gourent, car, eux, les impartiaux membres de la rédaction et de la grille d’Inter n’ont évidemment jamais tort.

Ce qui serait parfaitement poilant si ce n’était pas tragique. Car pendant que ceux qui devraient encore représenter les plus faibles et leurs aspirations, défendre l’universalisme et la laïcité, protéger l’antiracisme et propager la Raison, courent au cul du moindre écrivaillon et de la plus picrocholine célébrité qui vient de s’éveiller à l’éveil, bon anniversaire, Alexis, nombre de Français, naturellement électeurs et soutiens de la Gauche se sentent floués, perdus, abandonnés. Et finissent par virer à Droite, toutes voiles dehors, sans un regard pour leur ancien port d’attache, putain, c’est beau comme du Musso ce que je viens d’écrire. Alors qu’Inter et la Gauche s’amusent à empiler des minorités, forcément exploitées et racisées, la majorité s’éloigne à grand pas, ne se sentant plus concernée par les discours qui lui sont tenus. Et c’est navrant.

Alors, c’est très bien d’être solide sur ses appuis et sûrs de ses convictions. C’est très bien et parfaitement vide de sens si ça ne sert qu’à se faire mousser dans son entre-soi. Être la première radio de France à une époque où tout le monde s’informe par le Net et la télé, c’est comme être le meilleur débatteur de son abri pendant une apocalypse zombie. Ça fait plaisir, mais ça sert à que dalle.Tiens, d’ailleurs, c’est bien, aussi, comme film, La nuit des morts-vivants, même si ce n’est pas un western. Et que là, c’est une apocalypse zombie de Droite.

Par Naqdimon Weil

Par Naqdimon Weil

Naqdimon Weil est rédacteur. Il est aussi chroniqueur. Il est surtout social-démocrate universaliste, laïcard et sioniste. Il est gravement quinquagénaire et profondément provincial. Et, évidemment, il est dans le Coq.
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