«Nous sommes en concurrence avec le sommeil». Cette phrase n’a pas été prononcée par un amant qui, voyant sa compagne s’endormir en position de la cuillère, s’est trouvé dépité de n’avoir pu remettre le couvert, mais par Reed Hastings, fondateur de Netflix.
Tout comme ses concurrents GAFAMés de notre temps de cerveau disponible, ce marchand tout sauf bien intentionné lutte pour obtenir notre attention. Plus de guerre ni de durs travaux des champs, familles réduites, congés payés, RTT, flexibilité et autres 35 heures… Notre récent et inédit temps libre est la nouvelle opportunité à capter pour ces rapaces de la 36ème heure.
Et pour ces pourvoyeurs de méta-divertissements, tous les gros moyens sont bons pour y parvenir : millions de dollars pour s’assurer les services des meilleurs showruners, images chics et brèves au titre choc afin de captiver les foules – que celui qui n’a jamais cliqué sur «Incroyable ! Il mange un caillou par jour et perd 5 kilos et ses incisives» me jette la première pierre -.
Pourtant, l’être moderne n’est pas toujours aussi exigeant qu’il en a l’air, et la chanson est désormais connue. Il lui suffit parfois d’un appel aux dons destiné à sauver Balkany des affres de l’indigence carcérale et relayé sur Facebook pour le rendre, au moins l’espace d’un instant, un peu plus heureux (mais malheureusement pas moins con l’instant d’après).
Mais aussi, comment ne pas être distraits par cette avalanche d’infotainment ? Comment slalomer entre actualités dignes d’intérêt et contenus vides ?
Récemment, le cas Moix m’a pris un temps fou (certes toujours moins que lui), que j’aurais pu consacrer à la lecture de la Recherche de celui perdu ou à chercher le sens de la vie ( spoiler : c’est au fond à droite, après les toilettes). Des heures bêtement dépensées à cliquer pour savoir s’il méritait des claques, des minutes inutilement consommées pour déterminer s’il aurait pu piger au journal du même nom, ou si c’était un ancien-antisémite de comptoir devenu sincèrement philosémite, un proto-révisionniste proche de la sympathique Amicale des Faurissoniens ou, peut-être pire, un BHLophile d’opportunité.
Et, pourtant consciente que la tare des réseaux sociaux ne réside pas tant dans les messages puants qu’ils véhiculent, dans les anathèmes qu’on y profère ou dans les jugements hâtifs qui y sont rendus mais bien plus dans le temps qu’ils nous prennent, rien n’y fait.
J’éprouve toujours la même volupté à y découvrir les réactions d’Edwy Plenel à la suite d’une nouvelle déclaration polémique de Zemmour, l’avis de Gilles-William Goldnadel sur l’accompagnement des sorties scolaires par des femmes voilées, ou à y vérifier (sait-on jamais, depuis que Tapie a réagi à l’annonce de sa propre mort, tout semble possible) si Henry de Lesquen n’aurait pas rebondi sur les derniers propos de Marwan Muhammad pour lui proposer de prendre des vacances ensemble, tous les deux, main dans la main, à dos de chameau dans des immensités sablonneuses et mystérieuses.
Et bien pire, je me prends à rêver d’une série Netflix où chaque épisode serait consacré aux meilleurs clashs de tradition française, staring «Tariq Ramadan – Elisabeth Levy», «Frères Bogdanov – Frères Lopez», «Michel Onfray – Hanouna», et «Booba – Bob l’éponge».
Moralité : lâchez votre smartphone au moins quand vous allez pisser, vous auriez gagné 3 mn (soit un coït bâclé ou un brossage de dents réussi) à ne pas lire cette chronique.
Par Myriam
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