Cartooning for des conneries

Chère Madame,

 Je vous remercie pour votre proposition de collaboration au sein de « Cartooning for Peace »  ainsi que pour la proposition de stage à vos frais qui l’accompagne.

Si après 27 ans de carrière j’apprécie toujours d’intervenir en direct comme vous me le proposez  (et pour un tarif très correct) au sein d’établissements scolaires, de centres sociaux, de lieux d’incarcération, etc je suis au regret de devoir décliner votre aimable invitation.

« Cartooning for Peace » a été créé autour du dessinateur colombophile Plantu, qui en est d’ailleurs encore à ce jour président d’honneur et membre du conseil d’administration. Si l’état de mes finances pourrait bien sagement m’obliger à collaborer avec une émanation de ce personnage en tentant d’oublier qu’il n’est nullement gêné d’amalgamer Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen tout en acceptant (en décembre 2010) un prix (avec le chèque de 10 000 euros qui  l’accompagnait ) des mains de Mohamed Al Kuwari, ambassadeur du Qatar ( grande démocratie  très au clair avec certaines organisations terroristes islamistes), je ne peux par contre oublier une  seule fraction de seconde combien ce brave monsieur à retourner sa veste au lendemain du 07  janvier 2015 après avoir traîné la rédaction de « Charlie-Hebdo » et en particulier mon camarade  Charb dans la pire des fanges après leur publications de caricature du prophètes Mahomet.

Dans ce qui aura été appelé « le numéro des survivants », soit le numéro de «Charlie-Hebdo» paru après l’attentat et réalisé au siège de « Libération » dans les pleurs, la souffrance et (parfois) la colère, c’est justement le cas de Monsieur Plantu que je décidais de traiter en dessin en quatrième de couverture, réalisant son portrait surmonté du titre « Plantu est Charlie, MAIS… ».

Comment pourrais-je oublier ou même feindre d’oublier ce dessin de Plantu à la UNE du  « Monde » (à la UNE !!) le 21 septembre 2012 (après un édito assassin, oui assassin, du  « Monde » publié en UNE la veille pour dénoncer les mécréants caricaturistes du saint prophète)  figurant l’ami Charb en débile mental en réponse à ses dessins mettant en scène Mahomet,  réagissant à une énième polémique du moment sur le prophète de l’Islam (ce qui lui valu  immédiatement alors une nouvelle salve de menaces de mort et une lourde protection policière) ? Appelant à l’autocensure (avec son comparse Geluck), se désolidarisant complètement de ses  consoeurs et confrères et, pire encore, dénonçant partout où il le pouvait « l’irresponsabilité » de  la rédaction de « Charlie-Hebdo », Plantu a non seulement participé à l’isolement du journal et de  fait à la légitimation de la condamnation de « Charlie » mais, au regard du statut de « pape du  dessin de presse » dont il aime qu’on le flatte, a renforcé ainsi de facto le camp des intégristes,  des intolérants, des pisse-froids et autres terroristes en en faisant une cible évidente et légitime.

Pour terminer, « Cartooning for peace » se présente comme une association ayant pour objectif  principal de « soutenir les dessinateurs empêchés d’exercer librement leur métier ou dont la  liberté est menacée » avec à sa tête Plantu, se présentant comme LE défenseur de la Liberté  d’Expression, grand protecteur de toutes les dessinatrices et tous les dessinateurs de par le  monde.

Comment justifier votre grand silence quand, déjà attaquée, menacée et sous protection policière  la rédaction de « Charlie » était ainsi dénigrée alors qu’elle ne faisait que son travail ?

Je n’ai ni la stature de Plantu, encore moins ses revenus ou son entregent. Je ne sais pas, et je me fiche de savoir ce qui a amené monsieur Plantu à se consacrer au dessin  de presse ni comment il envisage la profession. Ce que je sais c’est que j’ai une chance inouï de  faire ce métier auquel je me suis entièrement dévoué alors que j’aurais pu comme tout à chacun  être un ouvrier, un employé lambda obligé de couper l’échine et de ravaler ses convictions afin de  ne pas froisser les petits chefs au risque de connaître rapidement des fins de mois difficiles.

J’ai en effet la prétention de posséder une chose que monsieur Plantu ne pourra jamais posséder  malgré tous ses prix et ses années de carrière: une conscience.

Vous remerciant par avance pour votre compréhension et les fruits à venir des réflexions que  j’espère avoir pu modestement engendrer, je tiens à vous préciser, chère Madame, pour être bien au clair et ôter toute ambiguïté à mes propos que je n’ai plus aucun contact et ne collabore plus à « Charlie-Hebdo » depuis 2018, date à laquelle eu lieu le procès aux prud’hommes que je leur avais intenté.

Cordiales salutations,
Monier François-Henry,
alias Babouse.