Charlie ou l’amour de la liberté

Charlie Hebdo, via Les Éditions Les Échappés, vient de publier Charlie Liberté, le journal de leur vie. Un beau livre qui raconte, en 224 pages, le parcours, l’œuvre et les fulgurances des huit membres de Charlie Hebdo assassinés le 7 janvier 2015 en une minute et quarante-neuf secondes par deux islamistes. Un hommage aux dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski ; à la psychiatre et psychanalyste Elsa Cayat ; au professeur d’économie Bernard Maris, tous deux chroniqueurs à Charlie Hebdo ; au correcteur du journal Mustapha Ourrad, ainsi qu’à Simon Fieschi, le webmaster grièvement blessé le 7 janvier, qui fut retrouvé mort le 17 octobre 2024 dans une chambre d’hôtel, deux jours après la condamnation définitive du fomentateur de l’attentat contre son journal.

À travers ce livre, c’est une histoire intime et collective qui se dessine au gré de l’actualité, des idées et des coups de gueule contre un monde qui est beaucoup trop féroce pour se priver d’en rire. L’humour n’est pas une arme, c’est un bouclier qui vous permet de vous dresser contre la fatalité, l’horreur et la bêtise. Rire de la mort, rire de ce qui nous terrorise, rire des puissants, des fausses pudeurs, de la haine, des petites faiblesses et des grandes lâchetés, c’est ce que l’on nomme l’esprit satirique. C’est une éthique qui vous pousse à affronter l’existence en laissant la priorité à droite à l’envie de faire sourire son prochain. Charlie Hebdo, depuis sa réapparition en 1992 sous la houlette de Cabu et Philippe Val, n’a eu de cesse de désirer faire rire et réfléchir, car la révolte se doit d’être joyeuse pour garder intact tout son éclat en l’ornant malicieusement de légèreté.

Dans la préface du livre, Riss, le directeur de Charlie Hebdo, nous invite à ne rien céder à nos libertés. Riss, qui vit sous protection policière constante depuis dix ans, qui dirige un journal dont le siège ressemble à un bunker, et dont la force et la dignité imposeraient presque l’admiration, nous raconte les personnalités exceptionnelles assassinées par le fanatisme et l’obscurantisme dans le but de nous donner envie :

« Envie d’être libre comme ils l’ont été. Envie de dessiner librement comme eux, d’écrire librement comme eux, de réfléchir librement comme eux, de créer librement comme eux. Le plaisir qu’ils ont eu de faire leur métier et de l’exercer dans ce journal, ce fut avant tout celui d’être libre. C’est tout ce qu’on vous souhaite de vivre un jour. Regardez leurs dessins, lisez leurs textes et dites-vous que c’est la joie d’être vivant et libre qui a guidé toute leur existence. Sans l’aide d’un Dieu quelconque. Le bonheur est sur terre et nulle part ailleurs. »

Avec Charlie Liberté, c’est bien plus qu’un livre qui nous est offert : c’est une célébration de la liberté, de l’humour et de la joie d’être vivant.