Au même titre que Castorama propose des fiches bricolage, le Coq des Bruyères vous offre ici une fiche philosophico-cuisino-sociologique. Pour la présente fiche, j’ai googleisé comme un bête afin d’amener de vraies informations. Vous en sortirez plus savant que vous y êtes entré.
Enterrement ou crémation ? C’est une question que l’on se pose souvent tard, voire trop tard, soit quand on a plus personne pour y répondre. Et même quand y a quelqu’un pour y répondre, allez donc dire au mourant : « Dis donc Tonton, t’es bien mal barré là… Il faut être réaliste, t’en as plus pour très longtemps ; alors soyons pratique deux minutes : qu’est-ce qu’on fait de toi après, on t’enterre ou on te crame ? » Si cette question on peut l’avoir à l’esprit au chevet du Tonton, je peux vous assurer – pour avoir vécu la situation – qu’elle ne passera pas vos lèvres.
Donc ne dites pas « Après moi le déluge ! », faites part de vos dernières volontés avant, ou alors ne venez pas vous plaindre si on jette une pièce en l’air pour se la jouer à pile ou face.
L’enterrement — ou inhumation en termes pompeux funèbres — on connaît, c’est basique : on te met dans une boîte, on met la boîte en terre, on recouvre, de terre si t’as pas assez économisé, de marbre si tu as « à cœur de mourir plus haut que ton cul », comme dit le poète. Les héritiers peuvent venir creuser une dizaine d’années plus tard, si le terrain s’avère fertile en asticots, y a plus grand-chose ; poussière, tu es redevenu poussière, c’était vraiment pas la peine de t’exciter autant pour ces PV sur ton pare-brise.
Légende sous le pare-brise « Bonjour cher policier, on va jouer à un jeu… »
Parlons plutôt de la crémation, cette inconnue. Je dis cramer, un cran au-dessus, ce qui peut sembler argotique, mais l’étymologie vient de là, du cramar de l’ancien provençal et du cremare latin. En fait, on a parlé d’incinération jusqu’au jour où l’on s’est mis à incinérer les déchets. Depuis on préfère le terme de crémation car avec incinération t’as plutôt l’impression de pleurer ta poubelle.
Comme de juste, les religions se mêlant de tout, elles ont leur mot à dire. Évidemment et ça n’étonnera personne, ce mot n’est jamais le même, les religions n‘étant d’accord sur rien.
Bûchers sur les rives du Gange
En Asie, c’est clair, bouddhisme et hindouisme n’y voit pas d’ombrages, ils brûlent à tout va. Le Judaïsme, historiquement, j’allais dire bibliquement, est contre la crémation, depuis toujours. Pour la petite histoire, on peut rapporter qu’un crématorium aurait existé dans les années 2000 en Israël, mais il n’a pas eu le temps de servir, les ultra-orthodoxes y ont foutu le feu… C’est ce qu’on appelle régler le mal par le mal.
Côté Islam, c’est clair, le Coran, qui légifère sur tout, règle dans le détail les rites funéraires musulmans ; là-dedans aucune place, nulle part, pour la crémation.
Côté Chrétiens, c’est le bazar. Pour résumer à l’emporte-pièce, les Protestants, pas de souci. Ou pas de trop ; dans leur grand ensemble, les Réformistes n’ont rien contre. Les Orthodoxes y sont résolument opposés, sauf si la crémation, et c’est là où l’Église grecque ne manque pas d’humour, est faite hors volonté du défunt ; tu t’écrases en avion, tu crames, tu as le droit à des obsèques religieuses orthodoxes. Ça marche aussi en voiture, en feu de forêt, etc. mais pas si tu t’arroses d’essence pour manifester en faveur du Grexit, là, tu te prends un PV des pompiers. L’Église grecque, c’est clair, préfère la terre au feu, mais c’est cohérent avec le reste vu que cet éminent propriétaire foncier n’est assujetti à aucune taxe foncière.
Quant à l’Église catholique apostolique et romaine qui, on s’en est aperçu, a toujours été en avance sur son temps, elle est comme toujours et d’une façon générale contre ; soyons honnête, elle a tout de même fait un amendement se calquant sur l’évolution des mœurs. En effet, en 1964, elle a déclaré, certes du bout des lèvres : « L’incinération du corps ne touche pas à l’âme et n’empêche pas la toute-puissance de Dieu de rétablir le corps, de même elle ne contient pas en soi une négation objective de ces dogmes ». En résumé et pour les croyants que ça intéresse, tu as le droit à une cérémonie religieuse à condition de la faire avant la crémation, et cercueil présent ; si tu inverses le planning et que tu te pointes avec ton urne à l’église, t’es mort.
Proposition pour la pierre tombale de Steve Jobs
Quelle que soit ta religion ou ton agnosticisme, reste l’affaire du deuil… Comment le faire et avec quoi ? Avec la crémation, tout part en fumée, et cette brutale évacuation du défunt pose problème à certains, car y a moins matière, si l’on peut dire, à se recueillir. Alors oui, on peut avoir les cendres chez soi, l’urne sur la cheminée, ce qui économise et la sépulture au cimetière et le taxi pour y aller. Et bien oui mais en fait non ; car c’était vrai chez nous jusqu’en 2008, depuis c’est fini. Je le sais pour être récemment passé par le guichet Pompes Funèbres — compte tenu des tarifs le mot guichet est le bon — auquel j’ai dû déclarer ce que j’allais faire des cendres. Les municipalités en avait en effet ras la casquette de retrouver des urnes dans les consignes de gare, dans le métro ou, « pas chères car ayant peu servies », dans les vide-greniers (c’est authentique, ça s’invente pas), du coup on a légiféré. Tu peux maintenant te la garder un temps sur la cheminée mais pas longtemps, après elle doit rejoindre soit un columbarium – à condition de virer d’abord le pigeon qui niche dedans -, soit un Jardin des Souvenirs – pelouse où le gazon pousse dru car engrais constant -, soit un caveau de famille, si tu as un caveau et une famille. Tu peux même la faire enterrer dans le parc de ton château, mais là faut une autorisation de la mairie, et de préférence un château. En revanche, tu n’as pas le droit de répandre ton mort sur la voie publique, même au cul d’une balayeuse municipale, ni dans une rivière ; dans la mer en revanche oui, mais à condition d’être à plus de 300 mètres du rivage. On apprend plein de trucs, hein ?
Nouveau, l’urne issue d’une imprimante 3D, ici un projet présidentiel
Ensuite arrivent les écologistes qui, au titre de nouveaux religieux, se mêlent eux aussi de tout. Ils ont constaté, en branchant un tuyau au cul des vaches, car la vache est plus préhensible que les feux-follets dans les cimetières, que le gaz méthane issu de la putréfaction des morts est moins polluant que les cheminées des fours crématoires. Et ils ont peut-être raison car si on commence à faire l’addition de ce qui se barre par la cheminée des crématoriums, on se dit que c’était bien la peine d’arrêter de fumer au profit du vapotage vu qu’on respire de la vapeur de morts à longueur de temps. J’en dirai plus sur cette pollution morbide dans la seconde partie de cette fiche pratique lors du prochain Coq des Bruyères, mais laissons passer une semaine si vous voulez bien, car cette thématique nécessite que l’on s’aère un peu.
A retrouver le webroman «Otium», de Jean-Pierre de Lipowski, ou, selon les dires de l’auteur, il raconte «sa vie, son œuvre, ses ongles cassés», avec force photos, archives son et vidéos et, accessoirement, humour.
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