Moi, la communication, j’aime beaucoup. Enfin, quand je parle de la communication, je ne pense pas à la pub, j’ai passé l’âge d’être fasciné par la dernière campagne des mercantis de chez McDonald’s et comme à 50 piges, je n’ai pas eu ma Rolex, je n’ai guère de points communs avec Jacques Séguéla, le pubard militant survitaminé au carotène –oui, oui, LE carotène, c’est masculin, j’ai vérifié, ne me remerciez pas, ça vous fera toujours un camembert au Trivial Pursuit chez tonton Léon à Nouvel An- . Non, pour moi, la communication, c’est le principe de discussion entre deux personnes, physiques ou morales, et qui cherchent à s’influencer l’une l’autre, dans un but soit de conviction soit d’émotion, afin d’amener son interlocuteur à admettre son propre point de vue. Tiens, un peu comme la pub… Ah, ben merde.
Bon, je vais être honnête, la communication, si j’aime bien, c’est aussi parce que j’en ai fait mon métier depuis plus de 20 ans, même si je tente de me cacher le fait que c’est rien que de la pub avec de jolis mots fleuris dedans. Alors, on peut tenir les discours les plus savants du monde sur le médium, l’émetteur, le récepteur, invoquer les mânes de Marshall McLuhan, se la péter dans les salons en agrémentant tout ça d’un verbiage choisi qui fleure bon l’analyse sociologique de comptoir, quand on fait un texte pour vanter un produit, une ville ou un service public, on a beau rebaptiser tout ça « infomercial » ou autre scorie de la novlangue de la comm’, on peut retourner ça dans tous les sens, on fait de la pub. Pas de l’information, pas du journalisme, de la pub. C’est bien du malheur, mais c’est comme ça, finalement, la seule différence entre Séguéla et moi, c’est que lui, il est riche. Et qu’il a une Rolex.
Bon, ben si déjà, on cause de pub, parlons un peu des sujets qui fâchent, non, pas les Gilets Jaunes, je laisse ça à mes copains de la Rédac, en l’espèce, les campagnes de pub foireuses. Tout le monde – ou presque – a entendu parler d’exemples d’une campagne pourrie, par mauvais choix, la R14, surnommée « la Poire », ce qui a repoussé un tantinet le consommateur qui se demandait qui était la poire dans l’histoire, ou la photo tendancieuse du curé avec un môme agenouillé devant lui qui donne une drôle d’image, voire le gerbeux slogan « Il a la voiture, il aura la femme » pour une marque de bagnoles teutoniques dans les années 90. Tiens, d’ailleurs intéressons-nous à cette dernière. Sortie en 93, cette pub –de merde– fit un scandale longtemps avant le buzz des réseaux sociaux et les pubards tentèrent de garder les cuisses propres en expliquant que c’était pas du tout ça, oh là là, mais alors, pas du tout, c’était justement le contraire, ils avaient joué sur les codes machistes pour dénoncer le machisme, mais on ne les avait pas compris, sont-ils bien malheureux, ces gens-là. N’importe quoi. Quand on parle d’un truc qui ronge les arbres et qui a la queue plate, il y a nettement plus de chances qu’on pense à un castor plutôt qu’à une marque de traitement anti-termites. Bref, à trop vouloir « jouer sur les codes », il arrive souvent qu’on se prenne les pieds dans le tapis.
Et c’est exactement à ça que je pense quand je vois passer la dernière campagne de la PETA, le truc ricain de défense des animaux. Car ces braves gens avaient écrit à différents maires de patelins de France pour demander la disparition du nom des rues « de la Saucisse » ou « de la Boucherie », au nom de la souffrance animale. Évidemment, personne n’a accepté, ça a fuité sur la Toile, et boum, buzz et hop, on se marre de ces vegans hystériques. Sauf qu’en fait PETA ne voulait pas faire changer les noms, mais en lançant ainsi le débat, faire songer qu’il existe des alternatives à la viande. Ben dis donc, si ça ce n’est pas du génie ! Comme le coup du panneau indiquant la séparation entre femmes et hommes sur un trottoir de Nantes, photos sur le Oueb, scandale, buzz et la Mairie qui explique que pour de vrai, c’était tout l’inverse, défense de la mixité et tout ça et qu’il fallait réfléchir dans l’autre sens. Comme un miroir, en somme.
Bref, 60 ans après que McLuhan ait gentiment expliqué que « le médium, c’est le message », des communicants à la graisse de zébu se triturent le cervelet pour pondre des campagnes dont il faut comprendre l’inverse, mais pas tout à fait, mais tout de même, afin de défendre des causes nobles mais pas sexy. C’est fort. C’est très fort. C’est très très fort.
Et au bout du bout du banc, c’est complètement con.
par Naqdimon Weil
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