Dans le panneau du voile

par | 5 Nov 2019

Anthony CASANOVA est politiquement correct

Le voile islamique est le fichu que l’on aime agiter pour piétiner la laïcité. Le 11 octobre dernier, un élu d’extrême droite vociférait au sein du conseil régional de Bourgogne Franche-Comté pour réclamer qu’une femme retire son voile alors qu’elle était accompagnatrice d’une sortie scolaire.
Le buzz de la séquence et l’émotion suscitée sont une aubaine pour l’extrême droite du Rassemblement National et l’extrême droite du Collectif Contre l’Islamophobie en France (CCIF). Ces deux calamiteux, partenaires de jeu infatigables, se servent toujours l’un de l’autre pour grossir leur troupe. S’ils font semblant d’être des adversaires c’est uniquement pour divertir la galerie. En partageant une même haine du féminisme, de la liberté, de la laïcité et de l’universalisme: leurs idées réactionnaires et obscurantistes font d’eux d’excellents alliés objectifs.

Quelques jours plus tard, tandis que Marine Le Pen réclamait une loi stupide pour interdire le voile islamique dans tout l’espace public, 90 «personnalités» signaient une pétition pour demander au «président de la République, Emmanuel Macron, de condamner publiquement l’agression dont cette femme a été victime devant son propre fils». Parmi ces signataires, une bonne poignée de véritables militants contre le racisme, une louche de célébrités dont on ignorait qu’elles avaient un avis sur la société, et une belle brochette de proches des Indigènes de la République et compagnons de route des islamistes du CCIF. Notons que de très nombreux signataires avaient déjà exprimé publiquement leur refus d’être «Charlie» ou avaient signé, jadis, des pétitions contre le journal satirique, sans oublier celui qui, dans une chanson, réclamait «un autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo» alors que leurs locaux venaient d’être incendiés dans un attentat islamiste en 2011.
En réaction à cette pétition, une centaine de «Français de culture ou de confession musulmane, humanistes, progressistes et féministes» alertaient, via une tribune publiée dans Marianne, qu’en dépit des bons sentiments de ces 90 personnalités il ne fallait pas «faire l’amalgame entre « des » musulmans orthodoxes obsédés par le corps des femmes, et « les » musulmans tout court.». Cette tribune n’a malheureusement pas fait le même buzz que celle des 90, il faut dire qu’un texte sans la signature de Omar Sy, Valérie Damidot et Guillaume Meurice c’est moins funky.

Le «débat» sur les sorties scolaires est un piège à con, l’école n’a pas à éduquer ou instruire les parents d’élèves. Si l’Éducation Nationale veut décider de l’accoutrement des personnes qui font des sorties scolaires, elle n’a qu’à les rémunérer. Accompagner son gosse et ses camarades en sortie c’est du bénévolat, ne confondons pas tout!
Le problème, dans ces débats sur le voile, c’est la volonté manifeste de travestir le réel au profit d’une idéologie. Le voile islamique est un accessoire religieux qui promeut l’inégalité entre les hommes et les femmes. Dire cela n’est pas une opinion mais un fait puisqu’il est revendiqué ainsi par celles et ceux qui en vantent les mérites à travers le monde, et qu’il est dénoncé en tant que tel par celles qui l’enlèvent au péril de leur vie. Porter le voile en France n’est en rien une liberté individuelle ce n’est que la possibilité, dans notre société, de manifester publiquement une aliénation religieuse. Or, si le voile islamique -pour ce qu’il représente- n’est jamais souhaitable philosophiquement, ce n’est pas une raison pour l’interdire.

Soyons sérieux! Bien sûr que certains se servent de la laïcité pour exprimer leur racisme, et il faut les dénoncer clairement mais ce n’est pas une raison pour s’associer à celles et ceux qui crient au racisme pour empêcher la critique du fondamentalisme religieux. L’extrême droite n’est pas que l’apanage des catholiques. Ne tombons pas dans le jeu de dupes des amis de circonstance. La famille Le Pen et son électorat n’en ont autant rien à foutre de la laïcité que le CCIF et ses disciples se soucient du racisme. Au bal des faux-culs c’est la naïveté qui fait tapisserie.

par Anthony Casanova

Anthony Casanova par Babouse

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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