Je me dis qu’au bout de 5 ans, moi qui vous cause toutes les semaines dans les colonnes du Coq, le journal qui ne sert jamais d’éventail, vous devez finir par me connaître un peu, par savoir me qualifier et me définir, bref, par finir par avoir fait le tour de ma rotonde personne. Ben malgré ça, je continue à l’ouvrir, car c’est une bien belle opportunité d’être lu en étant sûr de ne jamais servir de réceptacle aux épluchures de légumes et ça me coûte nettement moins cher qu’une psychanalyse de fond. Et si je poursuis mes hebdomadaires diatribes, c’est qu’à l’instar du Professeur Rollin – le plus grand d’entre tous -, j’ai moi aussi toujours quelque chose à dire. Tiens, par exemple, je hais le travail.
Si, si, je vous jure.
Un jour que j’expliquais ça à une mienne camarade qui se trouvait être ma patronne d’alors, elle me dit que non, que je n’aimais pas la routine mais qu’en fait, au fond, j’aimais bien travailler, c’était évident. Je n’ai pas poursuivi la discussion. Car, en fait, non, je n’aime pas le travail, je déteste cette notion bourgeoise dix-neuvième-sièclarde de « valeur travail » qui fait bander les politiques de l’extrême-Gauche à l’extrême-Droite, j’attends avec impatience la société du loisir, j’emmerde Stakhanov et ses petits copains, je compisse le fordisme et le taylorisme ! Donnez-moi un revenu décent et foutez-moi la paix, j’ai assez de films, assez de séries, assez de pièces de théâtre, assez d’opéras que je n’ai pas encore vus, assez de jeux auxquels je n’ai pas joués, assez de terrasses que je n’ai pas essayées, assez d’amis que je n’ai pas assez fréquentés, assez de villes dans le monde que je n’ai pas visitées pour occuper trois vies complètes. Je me contrebranle du plaisir du travail bien fait, je ricane à la satisfaction du devoir accompli, je me gausse des héros de la classe ouvrière, bref, je suis un feignant, un fainéant, un cossard, un branleur, un pousse-mégot, un branle-panneau, tout ce que vous voulez, mais je le vis bien. Donc, je bosse, car j’ai besoin de manger, mais si demain le salaire universel arrive, comptez sur moi pour tout laisser tomber, non, mais des fois !
Ceci dit.
Ceci dit, si je déteste le travail, je n’ai rien contre l’effort, surtout intellectuel. S’arracher un peu la tête sur un bouquin un poil ardu, faire du jus de cervelle pour résoudre une énigme, se faire chier à bien composer un texte, ça, j’avoue, j’aime bien. Alors quand une bande de pisse-au-lit de 1ère Littéraire vient chouiner que c’est trop chan-mé la life passque j’connaissais pas Andrée Chedid et qu’il y a plein d’mots super trop compliqués dans son poème que j’aime trop pas, j’ai soudain envie de sortir ma pelle de combat et de finir leur éducation en la leur collant dans la face. Non, mais je rêve ! Eurent-ils protesté, ces jeunes peigne-culs, qu’ils n’avaient pas bossé, qu’ils n’en avaient rien à foutre de la poésie – petits cons ! – ou de l’art littéraire, qu’ils préféraient Keen V à Anna de Noailles ou PNL aux surréalistes, après tout pourquoi pas – n’importe quoi ! -, ils m’auraient eu de leur côté, daubant les imprécateurs du Saint travail.
Mais là, non. Car ils ont travaillé, toute l’année, cette bande de glands. Et ils ne sont pas capables d’appliquer une bête méthode d’analyse sur un texte inconnu. Ils ne connaissent pas Andrée Chedid – ce qui n’est pas tragique – donc ils refusent de fournir le petit effort intellectuel de s’y intéresser – ce qui est dramatique -, par principe. Oh, le beau tas de glands à paillettes, le chouette agrégat de crétins à hélice ! Et encore, je ne vais pas m’étendre sur les autres, ceux qui râlent sur Hugo et Balzac car il fallait commenter une phrase de l’un sur l’autre, il s’agissait de prendre une position. C’est à se foutre par la fenêtre avec l’intégrale de la Pléiade sous le bras pour accélérer la chute !
Depuis des mois, les éditocrâtes se pâment devant cette belle jeunesse qui va sauver la planète en agitant des pancartes. Si ce sont les mêmes qui sont incapables de comprendre « Destination : arbre » d’Andrée Chedid, elle est un tantinet dans la merde, la planète…
par Naqdimon Weil
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