Encore plus jamais

par | 20 Oct 2020

«Toujours et jamais, c’est aussi long l’un que l’autre» Elsa Triolet

Et ça recommence, encore et encore, comme le chantait Cabrel. Un assassin islamiste massacre un prof d’histoire pour une caricature et revoici le chœur des faux-derches qui vient battre la coulpe des autres, revoilà les antifas assermentés qui se pavanent de plateau en manif, revoici les ouverts et les woke plus solidaires que jamais, revoilà les défenseurs de la laïcité ouverte qui vient l’ouvrir sur la défense de nos valeurs et la valeur de nos défenses.

Merde.
Ras le bol.

Ras le bol non pas des hommages aux victimes, ça, c’est bien le moins que l’on puisse faire, vu que, collectivement, nous n’avons pas su, pas pu, alors que nous le devions, les protéger. Mais par les couilles de Satan, qu’on cesse tout de suite ce bal des vampires de la cause, ceux qui dans deux jours expliqueront que «Ouiii, évidemment, c’est un drâââme, mais tout de mêêêême, les caricatures, enfin, j’veux diiiire, les câââricatures de Charlie, c’est quand même un peu de la provocation, un peu, tout de même, non, merde, quoàààà ?».

Et je les vois déjà les Daniel Schneiderman et consorts taguer de fachos de la fachosphère tous ceux qui vont demander des comptes à la religion musulmane, fussent-ils eux-mêmes des musulmans, parfois même des croyants, voire des pratiquants. Mais évidemment, ces musulmans-là, pas si infimes que ça, ceux qui protestent, ceux qui gueulent, ceux qui veulent que ça bouge dans l’Islam français, ce ne sont que des «Bounty», des immigrés de salon, des traîtres à la cause… Et je les entends déjà les Claude Askolovitch, les Leïla Kaddour-Boudadi et similaires qui après la larme d’usage, vont venir gémir sur les discriminations subies par les femmes voilées dans l’école de la République, rappelant que sous le voile, il y a des personnes. Sous le bonnet à pointe du Ku Klux Klan aussi, non? Sous le vote pour l’Extrême-Blonde, également. Et je les imagine déjà les Jean-Louis Bianco et assimilés, ceux qui ouvrent la laïcité à la fourchette à huîtres se pointer la gueule enfarinée, la tristesse de circonstance en sautoir, tenir des discours sur les religions pacifiées et pacifiques. Pacifiques comme un coup de crosse dans la gueule d’un manifestant.

Et ça me fout hors de moi, cette faculté de s’émouvoir avant de changer de cap, de virer de bord à 180 degrés sans se prendre un paquet de mer et de dire mercredi l’inverse de ce que l’on soutenait lundi, dans une volte-face avec double axel inversé du plus bel effet. Ils vont se contorsionner dans leurs idéaux au rabais pour tout bien faire rentrer et surtout pas d’amalgame, ils détestent les amalgames, sauf chez le dentiste, et encore, je n’en suis pas certain. La victime sera portée aux nues -avec des réserves, toutefois, sait-on jamais- voire même qualifiée de martyr, ce qui est un putain de comble quand on veut défendre la laïcité, l’institution sera vilipendée, par tradition et les principes seront agités comme les grelots des bouffons médiévaux. Et hop, emballé, c’est pesé, voyez caisse, et la petite musique mortifère des «Je suis Charlie mais…» reprendra comme auparavant, business as usual, et tant pis pour ceux qui y passeront après, on leur rendra hommage à ce moment-là. Mais en attendant, on se préserve d’être pris pour un fasciste ou un réac, ce ne serait pas chic et élégant, et ces gens-là sont les arbitres des élégances.

Et donc, le cul bien posé sur des certitudes plus monolithiques qu’un bloc de granite, la conscience au repos pour ne pas s’épuiser la pensarde, l’éthique en coma profond tellement il n’est plus nourri de pensées cohérentes, ils vont tous nous expliquer que le terrorisme est islamique mais certainement pas musulman et que surtout, surtout on peut tout dire, mais sans heurter la sensibilité des croyants. Alors tant pis pour Mila, tant pis pour Zineb, tant pis pour Kamel Daoud, tant pis pour tous les musulmans qui ne se reconnaissent certainement pas dans cette caricature faite d’eux, tant que les antiracistes sont contents d’eux, c’est l’essentiel.

Je vais vomir et je reviens.

Quand ils auront fini de dire plus jamais.

Encore une fois.

Par Naqdimon Weil

Par Naqdimon Weil

Naqdimon Weil est rédacteur. Il est aussi chroniqueur. Il est surtout social-démocrate universaliste, laïcard et sioniste. Il est gravement quinquagénaire et profondément provincial. Et, évidemment, il est dans le Coq.
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