Entretien avec Peggy Sastre (2/2)

par | 24 Mar 2020

Pianotages de Christophe SIBILLE

Peggy Sastre est docteur en philosophie des sciences, spécialiste de Nietzsche et de Darwin. Ses travaux s’orientent principalement autour d’une lecture biologique des questions sexuelles. Elle a notamment signé Ex utero: pour en finir avec le féminisme (2009, La Musardine) La domination masculine n’existe pas (2015, Éditions Anne Carrière). Son dernier livre La Haine orpheline (Éditions Anne Carrière) est en librairie depuis le 6 mars 2020.

Peggy Sastre, vous vous êtes intéressée au cas Polanski, et vous avez réalisé la seule interview récente de Samanta Geimer (en 1977, Samantha Gailey, devenue épouse Geimer, fut violée à l’âge de 13 ans par Roman Polanski, N.D.L.R.), dans Slate.fr. Quelle est votre point de vue sur cette polémique, dont «les César» ont été à la fois un aboutissement et un point de départ ?

Je ne défends pas du tout Polanski. Mais la décision de justice concernant le seul viol avéré était en sa défaveur. En 2009, l’opinion publique était à l’inverse de ce qu’elle est aujourd’hui. Ce qui montre le manque de nuances de l’opinion publique. Samantah Geimer refusait ce que voulait le juge, à savoir un procès médiatique. Elle dit d’ailleurs que si le juge a viré de bord, et refusé l’accord initialement prévu avec le réalisateur, c’est sur pression des journalistes, que le huis-clos n’arrangeaient pas pour faire le « buzz ». Ce qui explique la fuite de Polanski. Samantha Geimer a d’ailleurs dit que la fuite de Polanski, c’était pour elle la fin de l’enfer. Médiatique et judiciaire. Mais elle ne cesse de se plaindre de ces poursuites médiatiques qui ont lieu encore aujourd’hui, alimentées par une certaine forme de féminisme.

Dans la foulée, et concernant les différentes manifestations correspondant à la Journée internationale pour les droits des femmes, le 8 mars dernier, on a vu des pancartes du genre: «Tous les mecs sont des connards, même le tien», «on broie vos prostates», «deviens lesbienne, le lesbianisme n’est pas un choix, c’est une bénédiction»… Que pensez-vous de la manière dont une certaine forme de féminisme évolue?Je suis féministe, mais surtout pacifiste, et proche de ce que défendait Martin Luther King. Attaquer l’ennemi présumé en utilisant ces armes est effectivement surtout totalement contre-productif. Ces féministes-là sont misandres et hystériques, et nous tirent une balle dans le pied. Et je comprendrais même qu’en face, leurs «ennemis» aillent presque jusqu’à leur répondre: «oui, c’est dommage, ce qui t’arrive, mais je comprends que ça t’arrive!» (Rires.)

Cette violence ne représente t-elle pas un danger, surtout pour les jeunes, relativement peu informés, et très perméables à ces excès militants?

Oui, les jeunes sont effectivement plus influençables. Mais, il y a cinquante ans, ils étaient gauchistes, c’était peut-être aussi dangereux ! (rires.)

J’ai quand-même l’impression qu’il y a cinquante ans, ils avaient peut-être un peu plus de connaissances générales qui les prémunissaient contre certains excès idéologiques?

Oui, c’est possible, mais attention quand-même au biais rétrospectif! Ceci-dit, c’est aussi une impression que j’ai. On a un peu une impression «d’idiotisation» générale assez préoccupante, ce qui est un paradoxe, car on n’a jamais eu aussi facilement accès à autant de connaissance. L’être humain étant ce qu’il est, il va plutôt vers ce qui est con! (Rires.)

Peggy Sastre, on voit même que les affaires peuvent se joindre à l’idéologie, et que ce féminisme peut être une manne assez lucrative pour certaines, Caroline de Haas pour ne pas la nommer…

Assez lucratif, je ne sais pas. Conflit d’intérêt, oui. Elle a contribué à créer les lois votant des budgets publics pour des formations privées dont elle s’occupe maintenant. Je trouve ça assez préoccupant. Mais, le plus grave, c’est qu’elle répand des idées fausses, (un homme sur deux ou trois est un violeur), qui contribuent à pourrir les rapports hommes-femmes. C’est dommage, parce qu’on était arrivé à une relative pacification.

Peggy Sastre, on va finir en parlant un peu de vous; vous avez écrit et publié une quinzaine d’ouvrages, notamment aux éditions de «la Musardine», et votre dernier livre La Haine orpheline, vient de paraître tout récemment. Ce dernier nous explique à quoi serait imputable, d’après vous, la colère qui prévaut actuellement dans les rapports humains, et c’est un peu en contrepied d’une idée communément admise aujourd’hui… Voulez-vous nous en dire quelques mots pour nous convaincre de se le procurer?

Il faut l’acheter! (Rires). En fait, j’essaie de montrer que tout ne va pas si mal, voire très bien! Le propos général consiste à prouver, en fait, à quel point l’homme (au sens général) a été façonné par et pour le conflit. Mon espoir est que le lecteur prenne conscience, à travers la démythification et la prise de conscience de toutes ces stratégies, qu’il y a d’autres moyens que se taper dessus pour aller bien. J’ose espérer que mon livre puisse être lu comme une sorte de traité de pacifisme appliqué.

Peggy Sastre, merci! On a sûrement oublié de parler de beaucoup de sujets, mais cela nous fera une occasion de revenir vous voir

propos recueillis par Christophe Sibille

Par Christophe Sibille

Par Christophe Sibille

Christophe Sibille a enseigné la musique à de futurs instituteurs durant 32 ans. Il a aussi écrit des brèves pour plusieurs journaux satiriques ou humoristiques dont Charlie Hebdo. Dans les années 80-90, il accompagna le duo Font et Val au piano. Il anime sur Radio Balistiq l'émission "Le Balistiq café" tous les jeudi 19 heures
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