Soyons clairs, il y a des tas de sujets sur lesquels j’ai peu de légitimité à parler. Franchement, quand une copine me parle des douleurs de son cycle menstruel, je peux compatir, je peux essayer d’imaginer, je peux lui offrir des fleurs – parce que je suis bien élevé et qu’en plus, sur un malentendu… – mais, malgré tous mes efforts, je ne peux pas souffrir comme elle. Comme me le disait régulièrement une amie « On n’a pas mal aux pieds des autres… ». C’est vrai, on est obligé de passer par soi pour piger la douleur, la souffrance ou la tristesse des autres. On ne peut pas imaginer une souffrance désincarnée, hors sol, et donc, pour y participer, nous faisons appel à nos expériences propres. Faire comprendre une blessure à quelqu’un qui n’a jamais vécu rien de plus grave qu’une égratignure, c’est difficile, c’est un peu comme décrire une couleur à un aveugle ou expliquer le principe de la pensée à Cyril Hanouna, pas impossible mais extrêmement compliqué.
Il existe aussi un autre principe, qui nous permet de nous comprendre. Si, en effet, je n’ai pas la capacité d’être malheureux quand l’OM se prend une raclée devant Gueugnon, je peux essayer de comprendre la tristesse d’un supporter de l’équipe marseillaise pour qui le jeu de baballe a de l’importance. Ça s’appelle de l’empathie. Moi qui n’aime pas les chats, je verse ma larme pour le décès du greffier qui était une greffière un rien agressive d’un copain, fut-il breton et petit-mickeyeur. C’est comme ça qu’on vit tous ensemble, en essayant de ne pas ignorer, voire de partager, les joies et les souffrances de nos proches et de nos pas trop lointains. Et comme il y a eu des mecs rigolos qui ont inventé la Philosophie des Lumières, on a étendu nos « pas trop lointains » à tout le monde. Et on s’est même dit que, hey, tiens, vu que tout le monde en question habitait sur la même planète, était configuré sensiblement de la même manière, que finalement, on devait être gaulé pareil d’un point de vue du cortex, soyons fous et disons qu’on peut comprendre les autres peuples et civilisations et même qu’on va appeler ça l’humanisme. Et comme décidément, on a bon fond, on a même pensé que tout le monde avait plus ou moins les mêmes aspirations au bonheur, à la liberté, à la tranquillité et à la paix.
« Mais c’est un truc de bourgeois mâle blanc, ça » me répondront certains. Oui. Mais pas que. Parce que des dizaines, des centaines de gens pas particulièrement blancs, pas franchement bourgeois et de divers sexes pourrissent dans des prisons à travers le monde – non, pas le journal – pour avoir eu cette même idée. Et cette idée d’universalisme est la meilleure chose qu’on puisse trouver pour se causer sans se foutre directement sur la gueule. Alors, quand on me parle d’européocentrisme ou d’occidentalocentrisme, je me marre en me disant que le Japon, l’Inde, de même que de plus en plus de pays africains sont bizarrement européocentrés et occidentalocentrés. Avec de nettes améliorations à apporter, évidemment, mais là-dessus, nous aussi, donc, finalement, on se ressemble bien.
Ces réflexions me sont venues en entendant les infos sur les prochaines élections en Égypte. Entre la candidature – presque – sans opposant au sympathique et à peine répressif Al Sissi, le musellement brutal de la presse, les lois contre l’athéisme, je commence à tousser fort quand on m’explique que les militaires égyptiens sont nos meilleurs alliés contre l’islamisme. Et qu’on m’affirme, de façon définitive, qu’en tant que français, blanc pas musulman, je ne peux pas comprendre. Et là, stop, je dis pouce. Car s’il y a des opposants internes au régime militaire du Caire qui ne sont pas des Frères Musulmans, loin s’en faut, si des intellectuels, des artistes, des journalistes, des humoristes égyptiens, qui avaient tous fait barrage aux islamistes, sont fortement priés de fermer leurs gueules ou sinon d’être embastillés, je voudrais savoir en quoi, eux, ils n’ont pas compris la situation égyptienne et s’ils sont eux aussi, femmes et hommes d’Égypte, des « mâles blancs pas musulmans » ?
J’ai l’air de rire, mais ça coince un peu au niveau des zygomatiques. Tiens, le seul truc qui me fasse presque marrer, c’est que pour lutter contre l’islamisme, on criminalise l’athéisme et la libre pensée.
Et pour éteindre un incendie, on prend de l’essence ?
par Naqdimon Weil
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