«Les troubles que notre société traverse sont aussi parfois dus, liés au fait que beaucoup trop de nos concitoyens pensent qu’on peut obtenir sans que cet effort soit apporté. Parfois, on a trop souvent oublié qu’à côté des droits de chacun dans la République – et notre République n’a rien à envier à beaucoup d’autres – il y a des devoirs.»
Ô amie lectrice, y a t-il quelque-chose d’inique dans la phrase qui précède? Bien sûr que non. Moi, en tous cas, je suis d’accord avec tout. Elle est parfaite. Enfin, elle le serait si… Si quoi?
Imaginons-en un instant une autre, construite sur le même modèle : «L’extraordinaire effluve qui s’évertue à tenter de me faire orgasmer les papilles d’avance est liée au fait que mon amie Anne-Sophie Picq ici-présente est en train de nous concocter des noix de Saint-Jacques au beurre blanc et aux truffes à tomber à la renverse. On a parfois tendance à oublier qu’il n’y a pas que le foie gras poêlé au vinaigre de framboise ou le poulet de Bresse rissolé aux morilles, dans la vie.»
Elle ne peut que faire un triomphe. Aucun lieu de polémiquer. Sauf si celui qui la déclame, avec un vibrant début d’érection papillaire dans l’intonation, a le mauvais goût de le faire dans le cadre d’un congrès des anosmiques-agusiques hexagonaux. Ou devant le club des «Vegan» de Loire Atlantique septentrionale, mais là, c’est tant pis pour leur gueule, z’avaient qu’à pas.
Oui, ô ma lectrice préférée, l’extrait de discours qui initie ce papier n’a pas été prononcé devant un parterre de sénateurs. Dont, pour la plupart, ç’aurait d’ailleurs été une des trois apparitions annuelles dans la chambre haute du palais du Luxembourg. Et encore, parce que le menu de la cantine y ressemble plus à ce que j’ai décrit dans ma petite parodie gastronomique d’un peu plus haut qu’à celui de l’école primaire publique dans laquelle l’instituteur… pardon, le professeur des écoles de ma fille l’initie aux joies du socio-constructivisme appliqué. (Non, je déconne, c’est vrai pour la cantine, mais autrement, il les fait vraiment bosser. Sur les tables de multiplication et les fables de la Fontaine.)
Non, cet extrait de discours glorifiant légitimement l’effort a été prononcé par le président de la République. Le jour de la galette des rois de l’Élysée. Le jour de la galette!
Ô ma lectrice, toi qui as le sens de la métaphore, et qui maîtrise aussi bien le sens, propre autant que figuré, de tous les mots figurant dans le «Larousse», tu tomberas une fois de plus en pâmoison, comme je l’ai fait, devant le génie absolu des communicants, grassement payés avec l’argent des gilets jaunes qui plus souvent qu’on le croit se cassent beaucoup le cul pour en gagner peu, en direction de qui cette phrase était subtilement prononcée. A croire qu’il tenait à ce que ces derniers aillent au bout de ses fèves, (comme dirait l’homme le plus aimé des français depuis qu’on ne le voit plus nulle part…) Ou, «a minima», qu’il n’a rien fait pour les dissuader de prendre cette provocation pour eux.
Mais, personnellement, je pencherais plutôt pour un assassinat communicationnel que pour un homicide involontaire. Une preuve? Le 7 janvier, ça te rappelle quelque-chose? Moi, oui. Et toi aussi. L’anniversaire de l’assassinat de nos amis de «Charlie-hebdo» par des tarés qui n’aiment rien de ce qui a trait à la vie. L’assassinat, au nom d’une religion capable de mutiler les femmes et d’ensauvager les hommes. Et il a fait quoi, en ce jour, notre glorificateur légitime de l’obligation d’effort pas pas quand il fallait ni où, au lieu d’aller se recueillir comme il se doit devant le lieu du crime? Il a reçu les responsables du conseil français du culte musulman.
Pour un éventuel aménagement de la loi de 1905 sur la laïcité qui, a t-il dit en sus, «ne se ferait pas contre l’Islam.» Rappelons qu’Ahmet Ogras, l’un des vice-présidents du même CFCM, avait jugé, le jeudi 15 janvier 2015, soit une semaine après les attentats terroristes islamistes, au micro de «Radio-France Internationale», «inadmissible de la part de l’hebdomadaire, dans la «conjoncture» actuelle, de persister à caricaturer le prophète»: «Il y a trouble de l’ordre en provoquant les personnes, en humiliant 2 milliards de personnes aujourd’hui. On pouvait s’exprimer différemment.»
Monsieur le président, bien que considérant comme vous que l’effort est quelquefois nécessaire, et que rien ne tombe tout cuit dans le bec de personne, (on n’est pas au resto gastronomique du Sénat, ni le cul sur le fauteuil de la présidente du grand débat national que vous avez programmé), et bien que peu enclin à me foutre une pelure citron sur le poil, je me sens humilié. Outragé, martyrisé. Bientôt libéré?
par Christophe Sibille
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