Le Grand bain de ces messieurs

par | 6 Nov 2018

Anthony CASANOVA est politiquement correct

Il y a toujours quelque chose à comprendre ou à apprendre de la «grande comédie populaire» qui cartonne au cinéma. Un succès, aussi inattendu qu’inexplicable, nous informe sur les désirs, les travers, voire les aspirations d’une société.
La grande vadrouille, par exemple, fut le film de la «réconciliation» souhaitant faire oublier la collaboration: la France est propre, tous les Français ont résisté, des élites (de Funès) aux prolos (Bourvil). Plus près de nous, il y eut Camping et son apologie de «la France d’en bas», cette Gaule des beaufs fiers et heureux d’être cons et méchants. Sans omettre Bienvenue chez les Ch’tis et son ode plouc au communautarisme régional. Bref, rien de tel qu’une bonne grosse comédie qui remplit les salles pour en savoir plus sur l’air du temps. Le Grand bain qui a déjà été vu par 1,7 million de spectateurs en 10 jours est un succès aussi bien public que critique. Tant mieux pour lui.

Le film débute par une longue, très longue, explication de la quadrature du cercle: y a des trucs qui sont ronds, y a des machins qui sont carrés, eh bien le réalisateur, Gilles Lellouche, nous informe qu’un carré ne rentre pas dans un cercle. Et là, on dit bravo! Il était temps que ça se sache. Le synopsis, que vous devez connaître sur le bout de l’hippocampe tant le film bénéficie d’une énorme couverture médiatique, est assez bien résumé par l’affiche: une bande de mous du bide va barboter dans une piscine, et, film français oblige, on va bouffer de la névrose pendant presque 2 heures.

La névrose en question est la place des hommes dans cette société égoïste où les femmes prennent des décisions, pensent et crient sur les mecs qui ne sont, finalement, que de grands enfants tristes avec des bourrelets. C’est vrai qu’avec tous ces trucs de féministes on avait peut-être oublié à quel point c’est difficile d’être un garçon de nos jours? Que reste-t-il aux hommes dans ce monde où les femmes peuvent fumer des clopes et dire des gros mots?  La grande idée de Lellouche, qui aurait pu être originale si 200 réalisateurs ne l’avaient pas eue avant lui, il la résume dans le magazine Elle: «J’avais envie de déviriliser les hommes et de masculiniser les femmes, de leur donner la place qu’elles ont dans le monde». Pour cela la rédemption viendra en s’accaparant l’un des rares sports exclusivement féminin. Car les braves gars, quand ça ne va pas, il suffit de faire un sport pour les filles, c’est facile, ça redonne confiance, on peut devenir champion du monde, et ça ramène un peu de testostérone sur le podium.  Un homme, ça a un gros cœur tout sensible qui dégouline de douceur mais, quand faut y aller, c’est un winner qui sera applaudit par l’assemblée des femmes.

Loin de casser les codes du genre, Lellouche y apporte son stock de clichés: Quand un homme chouine, il se féminise; Quand une femme donne des ordres, elle se masculinise. Et Lellouche de nous asséner son message aussi crétin qu’un slip de bain: il faut que les hommes laissent parler la femme qui est en eux. Mais tel le jeu de ses acteurs ou sa résolution finale de la quadrature du cercle, Gilles Lellouche a tout faux. Il n’existe pas de qualités ou de défauts inhérents aux hommes ou aux femmes. C’est justement cette façon de pensée qui est le terreau du sexisme. Lellouche a la même vision du genre que Dumas fils lorsqu’il écrivait à Henri d’Ideville, en 1872, dans L’Homme-femme:

«Les féministes, passez-moi ce néologisme, disent, à très bonne intention d’ailleurs: Tout le mal vient de ce qu’on ne veut pas reconnaître que la femme est l’égale de l’homme et qu’il faut lui donner la même éducation et les mêmes droits qu’à l’homme; l’homme abuse de sa force, etc., etc. Vous savez le reste. Nous nous permettrons de répondre aux féministes que ce qu’ils disent là n’a aucun sens. La femme n’est pas une valeur égale, supérieure ou inférieure à l’homme, elle est une valeur d’un autre genre, comme elle est un être d’une autre forme et d’une autre fonction.»

Si Dumas fils, en prenant la défense des féministes étaient en avance sur son temps, Lellouche, lui, n’a que 146 ans de retard… c’est ballot pour la «comédie de l’année»

par Anthony Casanova

Anthony Casanova par Babouse

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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