Histoire de causer de quelque chose

par | 2 Fév 2021

Souvent, pour le déblatérateur bimensuel ronchon et chafouin de mon acabit, quand arrive le dimanche, jour de la rédaction de mes divagations chroniques se posent deux questions: 1) De quoi c’est-il que je vais leur causer ce coup-ci et 2) Est-ce qu’il me reste assez de clopes ou dois-je aller au tabac ouvert qu’est à 250 mètres de la maison.

Ben là, c’est tout l’inverse. On est lundi matin, rapport à un week-end chargé, je suis déjà passé chez le buraliste en face de chez moi et surtout, surtout, si je ne sais pas de quoi je veux parler, je sais pertinemment de quoi je NE veux PAS parler. Tiens, par exemple, de la jeunesse sacrifiée. C’est pas que je prenne à la légère la situation des mômes coincés dans 9m² pendant 6 semaines ou en train de calculer comment becqueter une semaine avec 100 grammes de coquillettes et deux bouillons Kub de poulet, c’est insoutenable. Mais ce dont on nous cause, c’est la grande douleur de ne pas voir les copains et de ne pas être en cours, certes, c’est très très chiant, mais ce n’est pas non plus la montée au front en futal rouge et gants blancs, ni le départ dans la mine. Et quand on me rajoute là-dessus que ce sont eux, les pauvres jeunes qui vont cigler la douloureuse des sommes dépensées pour les vieux, je ricane. C’est le principe, la génération suivante paye ce que la précédente a dépensé. Comme c’est la génération antérieure qui a banqué pour les facs et les restos U, on peut causer de solidarité transgénérationnelle, non? Bon, ça, ça me fout les glandes j’en cause donc pas.

Ah, vu qu’on évoque les vieux, je ne vais pas non plus m’appesantir sur les crétins qui expliquent que les cacochymes, ben tant pis, faut bien mourir de quelque chose, c’est marrant, j’en déconnais pas plus tard qu’il y a 15 jours dans ces colonnes et voilà qu’en fait, c’est devenu un vrai sujet. Y a même cet épidémiologiste avec tous les diplômes qui vont bien et du doré dessus qui raconte qu’après 80 piges, c’est que du bonus, on devrait les laisser partir tranquillement. Alors, on va dire les choses clairement. Quand on claque de la COVID-19, on ne part pas tranquillement, on étouffe, salement, on a mal à en crever avant de claquer, on souffre et on hurle de douleur. Au temps pour l’image de la mort apaisée, c’est une putain d’agonie dégueulasse que crée cette saloperie de virus à ressort. Donc, merci, mais non merci, je garde mon opinion pour moi.

Y a aussi les nouvelles offensives des woke the line –subtil jeu de mot anglophone, le tout de mon cru, additionnant la formule « woke », pour ceux qui sont réveillés, illuminés mais qui sont tout bonnement allumés et qui sachent ce qui est bel et bon avec l’expression Walk the line, suivre la ligne, marcher dans le rang, un des meilleurs titre de Johnny Cash, je suis super fier de moi, je ne sais pas si cette blagounette a déjà été faite, mais moi, j’aime bien et je remets un tiret derrière cette digression-, en pleine forme en ce moment.

Tiens par exemple, les défenseurs des animaux qui gueulent quand on dit «avoir un QI d’huître» ou «rusé comme un renard», c’est pas bien, c’est spéciste, faut pas le dire, c’est oppressif pour les pauvres petites bêtes. Et cons comme des balais, ça va, ça passe ou ça rend tristes les fauberts? Non, je ne sais pas, je me renseigne, je ne voudrais pas vexer les ustensiles de ménage. Donc, allez, à la trappe la PETA et les péteurs de ce genre. Je peux aussi ajouter les nouveaux Torquemada de l’antiracisme qui s’en prennent à Donjon et Dragons, mon jeu fétiche, une partie en ligne par semaine, faute de mieux –ah oui, au fait, j’ai 56 piges et je joue toujours au jeu de rôles et j’emmerde les pisse-froids que ça défrise– parce que Donjon, c’est raciste. Raciste? On traite les personnages différemment selon leur couleur de peau, dans le jeu? Ben non. Alors, c’est quoi le racisme donjonesque? C’est que les Nains, ils sont forts et petits, que les Demi-Orcs, ils sont brutaux et un poil caractériels et que les Elfes seraient nobles et agiles –eux, j’m’en tape, j’ai jamais pu encaisser ces connards de bouffe-salade maladifs et hautains– et ainsi de suite. Ah ben ça, ça me colle encore plus d’abeilles qu’une ruche surpeuplée! Donc, donner des caractéristiques définissant des races imaginaires dans un monde fictif, c’est faire pleurer les antifas? Ben, merde, faut être plus crétin qu’une poule étudiante confinée qui voulait devenir Paladin de Torm à 88 ans pour penser ça avec sa tête. Aux oubliettes, ça aussi.

Alors, qu’est-ce qui me reste comme sujet? Le cul? Non, pas le genre de la maison de parler des absents. La bouffe? Ah oui, tiens, ça c’est une bonne idée! Je vous donne une recette que je dédie à tous ceux dont j’ai parlé plus haut.

Allumez le gaz, enlevez votre futal et votre slip.
Asseyez-vous sur le feu vif.
Faites-vous cuire le cul.

Par Naqdimon Weil

Par Naqdimon Weil

Naqdimon Weil est rédacteur. Il est aussi chroniqueur. Il est surtout social-démocrate universaliste, laïcard et sioniste. Il est gravement quinquagénaire et profondément provincial. Et, évidemment, il est dans le Coq.
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