Irish connasse

par | 26 Oct 2021

Cette semaine, je m’apprêtais à vous causer de Brassens, entre le centenaire de sa naissance et les 40 ans de sa mort, j’allais embrayer sur le génie littéraire du bonhomme, sa personnalité d’une humilité sans borne, son talent musical parfaitement caché sous des dehors de simplicité, tout en citant Desproges, Gotlib ou Cavanna, tous au moins aussi fan du Sétois – je vous passe le jeu de mots – que moi – bon, d’accord, si Sétois, c’est pas moi. Même pas honte -. Je me disais que ça ferait du bien de causer d’autre chose que des conneries d’Ézic Remmour et de l’Extrême-Blonde, des couillonnades de Camarade Jean-Luc et des déconnades de tous les branle-panneaux à la Alexis Corbière. J’aurais pu mettre de côté les woke de tous poils et me contrefoutre des intégristes religieux, tout en ignorant les anti-tout – qui ne sont pas des antitussifs, faut pas confondre – et les cons spirationnistes.

Seulement, le destin qui est farceur, surtout le Destin du chroniqueur bimensuel à la bourre et qui tape son papier le lundi alors qu’il aurait dû le renvoyer dimanche, le destin, donc, décida de me faire entendre parler de l’auteure irlandaise Sally Rooney. Parait que c’est la plus grande autrice du moment, une obligatoire, une cador, une incontournable. Moi, j’avoue, jusqu’à ce matin, je ne la connaissais pas et je le vivais bien, même si j’aurais pu frimer dans les dîners en ville. Sauf que je ne dîne qu’avec des copains aussi incultes que moi et que je ne lis que des trucs avec des dragons et des elfes ces derniers temps, rapport à ce que tout le reste m’emmerde. Donc, ce midi, dans la seconde partie de la Bande Originale, sur Inter – où je venais déjà de me taper les avis éclairés de Catherine Corsini et de Pio Marmaï sur la société française, un pur morceau de postures gauchisantes germanopratines, y a pas à dire, c’est la journée… Putain de lundi ! -, la charmante Leïla Kaddour-Boudadi parle d’un ton gourmand de l’écrivaine gaélique, en disant que cette dernière venait d’annoncer son refus de voir sa dernière œuvre traduite en hébreu, au nom du BDS.

Oh putain de bordel de merde, mort de mes os !

En deux phrases, j’avais les nerfs en pelote et le détecteur à débilité affolé, ça y était, ma journée gentiment poétique venait de se faire shooter en plein décollage. J’ai donc remisé mon Brassens, sa guitare en bois, son talent en or et ses qualités humaines – pour être persuadé de ces qualités, regardez Brassens par Brassens en VOD sur France Trois, c’est un excellent documentaire – par devers moi et j’ai repris ma mitrailleuse à défuncter les idées à la con. Tant pis pour Margot, Fernande et Don Juan, et sus à la gratte-papier d’Erin !

Bon, d’abord, par quoi commencer ? Dire tout le mal que je pense de BDS – Boycott Désinvestissement, Sanctions –  cette campagne internationale de faux-derches qui condamnent toujours Israël, mais jamais aucun autre pays ? Tenter d’expliquer à la jeune connasse scribouillarde qu’un auteur s’exprime par son œuvre et qu’en priver un lectorat, c’est se tirer une balle dans le pied ? Rappeler que l’Irlande se targue d’être le pays le plus offensif envers Israël, surtout la mairie de Dublin qui souhaite le renvoi de l’ambassadeur de ce pays, tout en ouvrant grand la porte aux capitaux chinois et du golfe persique ? Ou tout ça à la fois ? Y a de quoi faire.

Alors, je vais être clair. Je défends Israël. Et je suis pour la création d’un État Palestinien. Ce n’est pas dichotomique, au contraire. Je n’ai pas l’once d’un bout de sympathie pour l’extrême-droite israélienne et je crois que ce pays doit trouver une solution qui ne soit pas militaire pour régler ce problème qui l’empêche de rester dans l’esprit du sionisme. Mais je conchie vertement tous ceux qui s’achètent une bonne conscience tiers-mondiste à bas prix en s’essuyant les arpions encore et toujours sur Israël. Les grandes âmes généreuses à la noix, les internationalistes en carton-pâte, les moralistes à la petite semaine qui n’ont que « Palestine » à la bouche et qui se secouent la nouille avec vigueur des Ouïghours, des Sahraouis, des Rohingyas, des Papous – oui, oui, les Papous, encore récemment flingués par les Indonésiens dans la plus parfaite indifférence des boycotteurs de salon – et des autres minorités spoliées. Le fait que des minorités soient victimes d’exactions et de crimes n’exonère pas Israël de son devoir d’humanité envers les Palestiniens, certes. Mais ce fait est aussi la preuve que le BDS et tous les peigne-culs qui ne connaissent comme lutte que celle desdits Palestiniens sont de sinistres clowns dont la haine d’Israël possède des relents qui me puent au nez.

Et toute cette camarilla des Roger Waters, Ken Loach, Henning Mankell et autres glands à paillettes de la culture qui ont en permanence Israël dans le viseur, mais jamais aucun autre pays, qui ne s’interrogent jamais sur Poutine, Erdogan ou Xi Jing Pin, qui vont sans se poser de question au Maroc  sont vraiment des crèmes de faux-derches. Au lieu de tenter d’acquérir l’opinion israélienne à leurs vues par la diffusion de leur production, ces pignoufs se drapent dans une prééminence morale à deux francs démonétisés et interdisent qu’on les lise, les écoute ou les regarde. Belle logique de trou du cul. De plus, non-contents de leur édifiante posture hautaine, ils essayent d’empêcher les autres artistes de se rendre à Tel Aviv ou à Jérusalem, en les traitant de complices du gouvernement honni de l’État juif. Et on peut les interpeller sur la pensée boiteuse qui les pousse à boycotter dans un cas et à bien fermer leurs grandes gueules dans tous les autres, macache, nib, que dalle, pas de réponse. Sauf, bien sûr, « C’est à cause d’Israël ».

Donc, la fort jeune et potentiellement fort talentueuse Sally Rooney a rejoint cette cohorte de connards, au nom d’un humanisme en peau de lapin. Tout en laissant son œuvre certainement immortelle se faire traduire en chinois, en russe, en turc. Mais certainement pas en hébreu, ce ne serait pas assez woke chic pour elle.

C’est très impoli de dire à une femme qu’on lui pisse à la raie.

Je suis impoli.

Par Naqdimon Weil

Par Naqdimon Weil

Naqdimon Weil est rédacteur. Il est aussi chroniqueur. Il est surtout social-démocrate universaliste, laïcard et sioniste. Il est gravement quinquagénaire et profondément provincial. Et, évidemment, il est dans le Coq.
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