Je voterai pour tes beaux yeux

par | 29 Juin 2021

Une élection chassant l’autre, nous aurons à peine le temps de nous «remettre» des Régionales avant de devoir nous «plonger» dans les Présidentielles.
Entre les partis qui font le jeu de la xénophobie, ceux qui font le jeu du complotisme, ceux qui ne savent plus quelle place ils pourraient avoir dans le jeu, et les abstentionnistes qui font le jeu de l’abstention: les débats risquent d’être aussi ennuyeux que péremptoires. Il faut dire qu’entre «votez utile», «votez pour ne pas voter contre» et «votez pour sauver la République», nous avons l’impression que la politique rime uniquement avec lymphatique et soporifique. 
Hormis en Corse, l’abstention fut largement majoritaire en France métropolitaine. Ainsi les «leçons» que nous pourrions tirer du résultat des Régionales ne pèsent pas grand chose. Les «défaites» de Macron et Le Pen, cette fois-ci, n’indiquent en rien qu’ils ne seront pas les finalistes des prochaines élections. Rien n’est fait, tout reste à faire, faites vos jeux!     

L’une des questions allant de paire avec «quel nom glissera-t-on dans l’urne ?», est sans doute: pour «qui» ou même pour «quoi» voterons-nous? Certes, ce que nous pourrions espérer c’est d’avoir des candidats acceptables voire potables. Des personnes de gauche et de droite qui semblent être, au minimum, à la hauteur du pouvoir qu’ils réclament. Mais tant que l’on est pas encarté, nous ne sommes pas décisionnaires des têtes de pipe qu’on nous propose. Alors, voter ou ne pas voter? Pour qui ou pour quoi? Sont les seules questions auxquelles nous pouvons répondre.  

Des votes pour des lendemains qui chantent ou des voix pour un crépuscule qui ferme sa gueule, de l’idée que rien ne change à celle qui faudrait tout foutre en l’air, nous agissons comme si l’isoloir devait refléter nos aspirations secrètes. Or voter, ce n’est pas uniquement voter pour soi, c’est aussi voter pour les autres. Si l’on se contente de voter pour sa gueule, on ne vote que par instinct, réflexe ou colère. C’est en votant comme si nous le faisions pour le bien être de tous que nous finissons par voter avec raison.
Avec raison, mise à part quelques atrophiés du cortex, qui souhaiterait que le NPA, Mélenchon, Zemmour ou Le Pen s’installe à l’Elysée? Soyons sérieux, sans être complètement con, on ne vote pas pour que la vie soit de l’ordre de la survie. Ne valons-nous pas mieux qu’une France morose, repliée sur elle-même, qui confond l’isoloir avec un Livret A? Une France qui se rêve insoumise le dimanche pour mieux ramper le lundi? N’espérons-nous pas mieux qu’une société regardant quelle marque de farine est la moins chère au supermarché? Vous me passerez l’expression mais avons-nous si peu de but qu’il faille rêver à crédit?

A l’instar du mois de janvier où l’on dit «bonne année» en guise de «bonjour», les jours d’élections devraient être un moment où l’on pense aux autres même si on préférerait mourir dans d’atroces souffrances plutôt que de partager un repas en leur compagnie. Peu importe notre degré de misanthropie, peu importe que pour une raison intime nous ayons envie d’envoyer crever dans sa merde toute l’Humanité, un jour d’élection est un jour où l’on dit:
«je ne vote pas pour moi mais pour toi». Toi au pluriel… je vote pour toi qui penses que Hanouna est génial;  je vote pour toi qui lis Proust en ce moment; je vote pour toi qui n’as pas le droit de vote ou encore pour toi qui ne votes plus; je vote même pour toi, oui même toi qui voteras Marine Le Pen par dépit de ne pouvoir voter son père… ou encore pour toi qui voteras Mélenchon parce que tu n’as jamais compris l’indignité de ton t-shirt Che Guevara; je vote pour toi et les millions d’autres «toi» qui font que nous sommes, en fin de compte, des individus avant d’être cette masse médiocre que l’on nomme la foule. 

A quoi servirait-il de voter, si ce n’était dans l’espoir de vivre au sein d’une société qui, sans avoir à se fréquenter, ne perdrait pas l’espoir de vivre en paix?

PS: il est l’heure de la pause estivale du Coq des Bruyères, nous nous retrouverons un peu avant l’automne. D’ici-là, je vous souhaite (au nom de toute l’équipe) de belles vacances pour ceux qui en prennent, et du courage pour ceux qui en ont besoin.

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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