Jeunes cons de tout temps

par | 19 Jan 2021

Comme notre président de la République nous le fit remarquer en octobre dernier: «c’est dur d’avoir 20 ans en 2020». Certes, ce ne sera pas plus simple d’avoir 21 ans en 2021 mais c’est gentil qu’il s’en soucie.
Oui, ce n’est pas facile d’être jeune de nos jours car entre les masques sur la bouche, les gestes barrières au bout des doigts, les yeux rivés sur les réseaux sociaux et Aya Nakamura entre les oreilles, il est légitime de penser que l’avenir du monde est entre les mains d’une bande de sociopathes incapables de saisir les trésors de l’humanité que (un peu contre notre gré) nous finirons par leur léguer. Parmi ces «trésors»: il y a la démocratie.
Ne soyons pas mesquins, au vu des personnalités politiques plébiscitées, cela fait bien quelques générations que la majorité de la population ne choisit pas des flèches. Alors, rien que d’imaginer les dirigeants issus de la prochaine cuvée, on se sent déjà mélancolique. Mais alors que faire des poignées de secondes qu’il nous reste à arpenter le boulevard du temps qui passe?   

Peut-être devrions-nous définir de nouvelles règles pour nous assurer post mortem que notre société perdure ad vitam æternam, non?
Par exemple: la démocratie, c’est sympa en théorie mais en pratique c’est un calvaire! On ne peut, décemment, se résoudre à ce que le bulletin de vote de Richard Dawkins équivaille celui de Cyril Hanouna… voire celui d’un téléspectateur des émissions de Cyril Hanouna. Honnêtement, c’est indécent.
Ainsi, peut-être, c’est une proposition, devrions-nous fixer le droit de vote non pas selon l’âge mais en fonction du niveau d’études? Un bac+3 aurait le droit de vote d’office, et celles et ceux qui n’ont pas le moindre diplôme universitaire devraient faire une demande écrite pour suivre une formation d’au moins une journée en éducation civique afin d’obtenir leur carte d’électeur. L’avantage serait que les politiques cesseraient de penser que leurs électeurs sont de «beaux veaux», et qu’ils s’adresseraient enfin au peuple comme si c’était un ensemble d’êtres humains et non un vaste ramassis de connards.

Sauver les jeunes d’eux-mêmes, c’est un vœu pieux depuis la nuit des temps.
D’ailleurs, il y a à peine 29 siècles, Hésiode, dans Les Travaux et les Jours, ne regrettait-il pas que, si ça continue comme ça, les jeunes ces «ingrats humains ne payeront plus à leurs vieux parents le prix de leur éducation; ils renverseront avec violence les habitations de leurs semblables. (…) On n’honorera que l’homme violent et injuste».

Trois siècles plus tard, Platon, en faisant causer Socrate, ne disait-il pas la même chose en expliquant pourquoi la démocratie reste le plus court chemin vers la tyrannie? Rappelez-vous, c’était hier:
«lorsqu’une cité gouvernée de façon démocratique, et assoiffée de liberté, tombe sur des chefs (…): elle les accuse d’être des misérables, (…) ceux qui sont obéissants envers les dirigeants, (…) elle les traîne dans la boue en les traitant d’esclaves consentants (…). N’est-il pas inévitable que dans une telle cité l’esprit de liberté aille jusqu’à atteindre tout domaine? (…) Que par exemple, le père s’habitue à devenir semblable à l’enfant, et à craindre ses fils (…). Le maître, dans un tel climat, craint ceux qui fréquentent son école, et les cajole, et ces derniers font peu de cas des maîtres; (…) tandis que les vieillards, s’abaissant au niveau des jeunes, ne sont plus que grâce et charme, et les imitent, pour ne pas donner l’impression d’être désagréables ni d’avoir l’esprit despotique.(…) Et nous allions presque oublier de dire jusqu’à quel point, dans les relations des femmes avec les hommes et des hommes avec les femmes, vont l’égalité des droits et la liberté (…). Ils finissent par ne même plus se soucier des lois, écrites ou non écrites; ils veulent évidemment que personne, à aucun égard, ne soit pour eux un maître. (…) Tel est le point de départ, si beau et si juvénile, d’où naît la tyrannie».

De l’antiquité jusqu’à Pierre Desproges qui trouvait que la jeunesse était «la frange la plus totalement parasitaire de la population», en prenant soin de préciser qu’il ciblait «la jeunesse, toutes les jeunesses», notre condescendance envers «les petits cons de la dernière averse» ne date pas de la semaine dernière; ce qui rend les nostalgiques du «c’était mieux avant» encore plus grotesques.
Nous n’aimons pas les jeunes, et c’est réciproque. C’est pourquoi ceux qui pensent qu’ils doivent agir politiquement au nom du monde que nous laisserons aux enfants des enfants de nos enfants ne valent pas mieux que ceux qui leur souhaitent une bonne guerre afin que les jeunes comprennent enfin que la vie, c’est pas du gâteau.
Nous devons agir que ce soit en matière d’économie, d’environnement, de santé ou d’éducation en fonction du présent et non en se servant de l’excuse des générations futures comme si ces dernières ne pourraient avoir d’autres aspirations que les nôtres. Le seul cadeau que l’on fait aux jeunes c’est d’exister, le seul qu’ils nous feront c’est de nous enterrer. Ainsi va la vie, et c’est très bien ainsi. 

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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