La Raison en maillot de bain

par | 1 Déc 2020

Donc, reprenons. Des couillons conspirationnistes réunissent un panel de baratineurs, menteurs, escrocs et illuminés de toute sorte et nous vomissent un tas de fumier filmique qui fait le bourdonnement –en anglais, on dit «buzz», mais ça m’emmerde comme mot– sur le Oueb. Tout ce que le réseau des Réseaux compte de fracassés du bulbe diffusent à mort les liens pour ce «truc» et quand, sur un malentendu, vous essayez de démontrer que ce n’est qu’un agrégat de conneries en branche, soit vous êtes un vendu –moi, je veux bien me vendre, mais personne ne veut m’acheter, le drame de ma vie– soit on vous rétorque «Ah oui, mais non, ils ont peut-être tort, mais au moins ils posent des questions».

Et là, c’est le drame. Parce que, poser des questions, franchement, c’est bien, c’est faire preuve d’esprit critique et de scepticisme. Donc, celui qui dit du mal de ceux qui se posent des questions est soit un mouton, t’as le bonjour du légionnaire, soit un agent de Big Pharma, Big Market, Big Chemical ou de Big Jim pour les plus anciens. Ça ne se fait pas de remettre en question les questions, c’est comme croiser les flux dans Ghostbusters, c’est mal. Certes. Sauf que non. Parce qu’une question, c’est pas si simple, tout dépend de la manière de la poser.

Tiens, par exemple. Si je me demande «Est-il vrai que de nombreux Moldo-Samovars –oui, je sais, ça n’existe pas les Moldo-Samovars, mais comme je me suis pris une rafale des «wokes» sur la chronique précédente, je ne vais pas me mettre les antiracistes sur le dos en plus, j’ai déjà assez mal aux lombaires comme ça– travaillent dans les médias?», on peut dire que je m’interroge sur une réalité sociologique, que je cherche à savoir s’il y a une particularité particulière pour les Moldo-Samovars, voire, que je tente de déminer une idée préconçue. C’est bien, c’est intelligent, c’est noble. Mais si je pose la question «Pourquoi les médias sont-ils aux mains des Moldo-Samovars?», je ne questionne pas, j’affirme un état de fait et j’ajoute un point d’interrogation pour faire joli et pour ne pas me faire choper le doigt dans le pot de confiture raciste.

Et c’est exactement comme ça que fonctionne ce documenteur gerbeux et gerbant. Les «auteurs» disent qu’eux, ils n’affirment rien, ils se contentent de poser des questions et leurs intervenants, généralement internationalement reconnus sur leur palier, voire totalement à la ramasse –il y a bien une ou deux pointures dans le tas, mais rarement dans le domaine de la virologie, et surtout en totale déshérence par rapport au consensus scientifique– affirment leurs conneries, pour la plupart invérifiables ou totalement fausses. C’est du velours pour les deux comiques derrière la caméra, ils ne sont pas des idéologues, juste des journalistes qui tentent de faire naître le débat. Sont-ils aimables, ces deux-là!

Sauf que, encore une fois, c’est totalement bidon. Tenter de faire croire qu’on assure un travail d’enquête impartial, quand on pose à des militants des questions orientées aux prémisses fausses et sans donner la parole à des opinions divergentes et à des études avérées, ce n’est pas faire œuvre de journaliste, c’est se foutre de la gueule du monde en faisant passer un message bidon. Grâce à ce cycle de questionnement vicié dès le début, on emmène le spectateur peu ou mal informé dans un système de pensée circulaire, comme la scie éponyme –et non pas Lassie, chien fidèle– qui ne peut qu’amener à une seule et unique réponse. En termes de communication, ça s’appelle une question fermée. En termes d’honnêteté intellectuelle, ça s’appelle prendre les gens pour des jambons. Et encore, des jambons de supermarché avec plein de nitrites dedans. Et tout ça, grâce à un simple petit signe de ponctuation de rien du tout, qui transforme une idée de merde en légitime questionnement. C’est balaise.

Dans ma lointaine jeunesse, je ne sais plus si c’était Madame Martin, ma prof de Français de 1ère ou Mlle Petiteville, mon enseignante de philo de Terminale qui tentait de faire entrer dans nos têtes dures d’ados branleurs dans ce bahut voiture-balai de l’Éduc-Nat qu’il y a une nette différence entre esprit critique et esprit DE critique et qu’il fallait surtout se garder de prendre le second pour le premier.

C’est dommage que nombreux tendent à oublier ce simple et essentiel principe de prophylaxie intellectuelle.

Poil à la pelle.

Par Naqdimon Weil

Par Naqdimon Weil

Naqdimon Weil est rédacteur. Il est aussi chroniqueur. Il est surtout social-démocrate universaliste, laïcard et sioniste. Il est gravement quinquagénaire et profondément provincial. Et, évidemment, il est dans le Coq.
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