Le 8 février 2006 marque la parution du Charlie Hebdo reprenant les 12 dessins représentant Mahomet, avec en couverture le célèbre dessin de Cabu : « C’est dur d’être aimé par des cons ». Un an plus tard, les 7 et 8 février 2007, s’est tenu le procès intenté contre Charlie, que l’hebdo satirique a remporté le 22 mars 2007, puis en appel le 12 mars 2008.
Cette histoire, merveilleusement racontée par Daniel Leconte dans son documentaire « C’est dur d’être aimé par des cons », nous fait prendre conscience qu’au-delà du combat pour la liberté de conscience, la liberté d’expression et la liberté tout simplement, il y a aussi la puissance, l’importance, voire le « buzz » qu’un dessin de presse peut provoquer.
Généralement, quand un sujet « buzz », tout le monde tente de profiter de la tendance du moment. Or, avec le dessin de presse, cela ne se produit jamais. Dans une logique commerciale ou par souci d’audience, la presse écrite, les journaux télévisés et les émissions politiques auraient dû, depuis longtemps, recruter un ou deux dessinateurs. Ce qui aurait permis d’apporter un peu de légèreté aux débats, de faire sourire le lecteur ou le téléspectateur, mais aussi de traiter l’actualité avec un « petit pas de côté ».
Mais voilà, l’émoi qu’un dessin peut provoquer est inversement proportionnel à sa présence dans les médias. Les dessinateurs de presse se font rares, sont souvent mal payés, et les directeurs de rédaction semblent dire « Cachez ce buzz que je ne saurais entendre » chaque fois qu’un dessin fait « polémique » et s’impose dans l’actualité. Certains dessinateurs en sont réduits à ne proposer que des œuvres susceptibles d’être acceptées par un rédac’ chef qui préférerait les remplacer par une publicité. Le dessin fait le buzz, mais il n’existe presque plus.
Dessiner l’actualité est un art difficile car, en dépit de ce que l’on pourrait imaginer, elle se répète souvent. L’un des artifices des dessinateurs consiste à entremêler deux actualités dans un même dessin. Ce décalage crée presque automatiquement une touche d’humour. J’aime particulièrement reconnaître un dessinateur à son trait, quand le texte est aussi graphique que le dessin, quand, en vingt mots maximum, une phrase ou un dialogue vient répondre au titre comme peut le faire une brève d’actu.
Reiser racontait qu’il dessinait d’abord l’action : si un mec prend un poing dans la gueule, il commençait son dessin par le poing pour faire ressentir le mouvement. « Les années Reiser » (Reiser, éditions Albin Michel), « C’est encore meilleur quand c’est pas drôle » (Ranson, éditions Michel Lafon) ou « Cabu s’est échappé » (Cabu, éditions Les Échappés) sont des œuvres indispensables pour qui aime l’art, l’esprit, l’humour et cet éphémère qui ne prend pas de ride.
Un bon dessin ne vaut pas mieux qu’un long discours, mais un long discours ne devrait jamais faire l’économie d’un bon dessin.
PS : Le Coq des Bruyères cessera de paraître le 24 juin 2025. Cette chronique fait partie de son « testament provisoire ».
L’information est cyclique : un con chasse l’autre, une crise économique rappelle une autre crise économique ; et après 19 ans de chronique satirique au sein d’un journal qui fermera ses portes en...
Cela fait maintenant quelque temps que l’air du temps a cet aigre parfum d’une fin du monde qui s’apprête à nous exploser gentiment à la gueule. Même les plus optimistes d’entre nous flirtent avec...
«Elle est tarée, cette tribune. Agnès Jaoui, Caroline Fourest, Delphine Horvilleur et douze autres féministes écrivent pour défendre un féminisme universaliste face aux « dérives identitaires et...