Je venais de faire la connaissance de Paul Castanier et de Philippe Val, et, sans que je le susse ni l’un ni l’autre, (ce qui n’arriva évidemment jamais, chacun ayant déjà définitivement choisi son camp sexuel à l’époque), ma vie venait de changer.Je lui donnai des cours, (pas à Popaul, à Val, faut suivre), et, de fil en épingle, je vins colouer dans la même maison, (la fameuse Villa mon cul de la chanson). Et fis très vite la connaissance de Patrick Font.
Dans cette maison, habitaient Philippe, Nathalie, (sa femme de l’époque, à qui je donnai des cours aussi), Andrée, une amie en même temps prof de maths, (comme quoi tout est possible), et Jean-Pierre Moreau, (qui ne se faisait pas encore appeler « Lipowski », même si le cœur y était peut-être déjà.)
Font, c’était, comment vous dire, une espèce d’OVNI de l’humour, (ce qui ne surprendra personne.) Je ne reprendrai pas son profilage, excellemment fait par le susnommé Jean-Pierre de Lipowski dans le numéro du Coq des Bruyères de mardi dernier, mais il faisait partie de ces gens qui vous font imploser de rire dès qu’ils entrent dans une pièce. Sans rien faire.Alors, quand vous êtes en train de discuter le plus sérieusement du monde, avec Philippe et François Bou, mon directeur de conservatoire et ami, (qui vient d’ailleurs également de nous quitter ; sale temps pour les gens sympas), et que Patrick entre en coup de vent, en braillant Mexico façon Lara Fabian, complètement à poil, sauf qu’il s’est mis une chaussette sur la bite, laissez-moi vous dire que ça crée un climat !
Quelques jours plus tard, (en octobre 1979), Patrick me dit : « on joue en Suisse, mercredi prochain, avec la compagnie du chalet ; on a besoin d’un pianiste. Alors, tu viens ??? »
Et j’ai accompagné la première chanson de ma vie. Oui, parce qu’au conservatoire, on apprenait Bach, Chopin, Debussy. Pas à poser les notes les moins incohérentes possibles sur : Adieu papa ou Au dessous de ta ceinture.
Et, évidemment, directement en scène, parce que répéter, c’était casse-couilles, à l’époque.
Puis il m’a fait jouer un monologue, dans le spectacle de la compagnie. Le soupirant, ça s’appelait. Moi qui osait à peine prendre la parole dès qu’il y avait plus de deux personnes dans la même pièce, il m’a poussé sur scène et, miracle, (je ne sais pas encore comment j’ai fait à l’époque), il a réussi à me faire faire rire des gens qui payaient pour venir voir un spectacle !!!Il m’a fait traverser la scène à poil, dans un sketch. C’était d’après une pub, (avant « les Nuls » et « les Inconnus »), pour une marque de vêtements gais (et hétéros aussi) qui disait : « la vie est trop courte pour s’habiller triste. »
Avec son génie, Patrick s’était contenté d’enlever le dernier mot de la pub, et hop, hilarité en voyant mon appendice, avec moi au bout, sortant de cour pour foncer se réfugier à jardin.
Et même que, à la « dernière » du spectacle à la Gaîté-Montparnasse, en septembre 1982, il arrivait à poil derrière moi en faisant mine de m’enculer, et en hurlant : « restez en forme, prenez le train. »
Vous n’imaginer pas la joie qu’il peut y avoir à jouer un spectacle dans lequel on se marre autant que les spectateurs.
Ce qui a allégrement continué quand Patrick et Philippe, suite au départ de Popol, m’ont demandé de rejoindre Emmanuel Binet pour les accompagner en scène.Patrick, vraiment, merci pour tout, mais là, tu fais chier.
C’est la première fois que tu ne me fais vraiment pas marrer.
Enfin, disons, la deuxième.
1996, et 2018.
On s’est retrouvé, à l’issue des cinquante longs mois pendant lesquels tu as réglé ta dette à la société. Mais toi, tu n’as jamais su à quel point je te devais tant.
Je me souviens que tu m’avais dit, un peu plus tard : « j’ai vu Jean-Michel Boris, le patron de l’Olympia. Il m’a dit que s’il collait une affiche de Font et Val sur la porte du music-hall, il faisait le plein pendant trois semaines. »
Tu nous manques déjà.
Autant que Font et Val nous manquent, en cette époque où trop d’humoristes courent après la vanne comme DSK après un shorty garni.
Heureusement, il y a plein de vidéos et de liens internet …
En voilà un, en forme d’adieu.
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