Pépé le parasite 

par | 16 Mar 2021

Un combat chassant l’autre, une nouvelle cause lançant son hameçon à indignation au ceinturon des plus vigilants sodomiseurs de mouches en milieu urbain toutes les semaines, nous voilà amenés, après les turpitudes de Monsieur Patate, à réfléchir au sort de Pépé le Putois.
L’histoire est belle comme une blague absurde: ce personnage de dessin animé créé en 1945 favoriserait la «culture du viol». Ainsi, la Warner Bros. qui possède les droits des Looney Tunes et de ses stars tels que Bugs Bunny, Titi et Grosminet, a décidé que son Pépé le Putois n’était plus en phase avec notre nouveau millénaire. 

La «polémique» a démarré, comme démarrent toutes les polémiques, par quelques tweets indignés faisant craindre une crainte, qui aboutissent à un gommage préventif de manière à n’offusquer personne mais, patatras, ça offusque ceux qui n’étaient pas offusqués auparavant. Pour mémoire, rappelons que Pépé le Putois c’est l’histoire d’une moufette qui veut draguer une chatte qu’il prend pour sa femelle car le petit félin a glissé sur un pot de peinture, et se retrouve avec une ligne blanche sur le dos qui prête à confusion. Le ressort comique de l’histoire est la méprise de Pépé qui ignore qu’il sent mauvais, lui qui se pense être un séducteur romantique irrésistible. Face à ce genre de débat nous pourrions en conclure qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat ou, pour rester dans le sujet, qu’il n’y a pas de quoi draguer une chatte sans son consentement.

Or, le problème de cette mode que l’on nomme la cancel culture (culture du bannissement) est justement de nous pousser vers une société aseptisée qui en viendrait à refuser l’effet cathartique de l’art. D’ailleurs, dès 2024, pour être éligible lors de la grand-messe des Oscars, un film devra, au choix, répondre à l’un de ces critères: «un rôle principal ou un rôle secondaire important provient d’un groupe « racial » ou ethnique sous-représenté»; «au moins 30% des rôles secondaires proviennent de deux groupes sous-représentés (les personnes provenant d’un groupe « racial » ou ethnique sous-représenté, les femmes, les personnes s’identifiant comme LGBTQ+ ou les personnes handicapées)»; «l’intrigue principale, le thème ou le récit sont axés sur un groupe sous-représenté».

Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, grâce aux garants de la morale et du bon goût vous n’aurez dorénavant sur vos écrans que de jolis sentiments et de la diversité correcte et chiffrée. Le rire sera poli et bien élevé, les mauvaises pensées et les pulsions partiront rejoindre la grande poubelle des idées que l’on ne finance pas. L’art sera correct ou ne sera pas.
Incapable de se réinventer sans se plagier, l’industrie du cinéma nous renvoie un code Hays (Motion Picture Production Code) à la sauce du XXIe siècle.
De 1934 jusqu’à la fin des années 60, Hollywood interdisait formellement: Le blasphème, la représentation du sexe, de la violence, l’homosexualité, la toxicomanie, la prostitution, les baisers de plus de trente secondes, les décolletés, la présence d’un homme et d’une femme dans le même lit… car aucun film produit ne devait «port(er) atteinte aux valeurs morales des spectateurs. De la même manière, la sympathie du spectateur ne (devait) jamais aller du côté du crime, des méfaits, du mal ou du péché», c’était ça le code Hays.
Déjà, à l’époque, c’est le personnage de dessin animé Betty Boop qui en fut l’un des symboles. Betty était trop frivole, trop libertine, il fallait que ça cesse. Surtout que la petite Betty avait tendance à fricoter avec Bimbo le chien ce qui fut perçu comme de la bestialité, autrement dit de la zoophilie.

Autres temps autres mœurs mais toujours les mêmes ciseaux qui passent de main en main pour censurer ce qu’une époque ne doit plus voir.
Comment s’étonner alors que la subversion devienne ridicule et officielle? par exemple lorsqu’une actrice se met nue devant les caméras de Vincent Bolloré (Canal+) pour nous servir un slogan à la con qui marie la faute d’orthographe et le calembour.

L’ordre moral, peu importe la morale, est toujours aussi chiant… c’est même à ça qu’on le reconnaît.

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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