Un petit cinq à secte

par | 15 Oct 2019

NAQDIMON fait son malin

Tiens, imaginons dans un pays théorique un haut fonctionnaire assis à son bureau, en train de consulter des colonnes de chiffres, c’est le budget de la nation et il doit faire des économies. Il est d’ailleurs super-doué pour ça, il y a quelques années, il avait décalé une virgule dans les sommes allouées au handicap et avait économisé des millions d’euro. Certes, derrière la virgule, il y avait des personnes, des malades, des soignants, des aidants, mais, hé, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs et tant pis pour le cul de la poule.

Aujourd’hui, le Chef Suprême veut encore raboter des pouièmes de picaillons et de fifrelins pour pouvoir encore baisser les impôts, car c’est chic et ça donne une demi-molle aux analystes économiques qui déblatèrent dans la médiasphère. Alors, il regarde, il scrute, il cherche. Et là, sur une ligne, il voit un sigle qu’il ne connaît pas, avec un budget assez juteux pour pouvoir frimer s’il n’était plus attribué. Bon, les fonctionnaires attribués à cette mission seront déplacés ailleurs, les autres, c’est des élus, ils se démerdent, on libère les locaux, c’est tout bénéfice. Au fait, que se cache-t-il sous ce sigle méconnu ? Une mission de lutte contre les dérives sectaires ? Mais c’est quoi, cette connerie ? Plus personne ne va dans des sectes aujourd’hui, notre haut fonctionnaire le sait, Élise Lucet n’en parle jamais, c’est donc qu’il n’y a plus de sectes, ah ah, en voilà de la bonne économie. Et d’un trait de plume électronique, il biffe ce nom de la liste des subventions à venir et adresse une note en ce sens au Chef Suprême, comme ça, il aura une médaille en chocolat et un sussucre de la part de son supérieur hiérarchique.

Bon, évidemment, pour les parents de ceux qui se font aspirer par les sectes, pour ceux qui suivent avec inquiétude les mouvements irrationalistes sur le Oueb, pour les enseignants, les toubibs, les flics, les travailleurs sociaux qui ont besoin des ressources informatives de cette mission, c’est dommage, mais est bien fol celui qui prétend contenter tout le monde et son père, comme disait La Fontaine. Et donc, forcément, au budget suivant, cette mission de lutte contre les dérives sectaires disparaît, au grand bonheur de tous les gourous et autres escrocs de la santé du corps et de l’âme, pour une économie de bout de chandelles.

Heureusement que tout ceci n’est qu’un conte issu de mon cerveau malade et que ça ne risque pas d’arriver dans notre beau pays cartésien.

Naaaan, j’déconne. Ce n’est pas un conte et c’est en train d’arriver, là, maintenant et ça me donne envie de coller des baffes à tous les comiques responsables de cette situation. Dans le silence ouaté des ministères, sous la politesse affichée des courriers des conseillers spéciaux et spécieux, l’actuel gouvernement est en train de foutre en l’air la MIVILUDES, cette mission interministérielle qui est chargée d’observer les sectes, les dérives sectaires, les pratiques dangereuses de cet univers et de servir de centre de ressources. Oui, évidemment, payer des fonctionnaires et des chargés de mission pour ça, ça coûte des sous, c’est sûr. Mais ça coûterait combien, un nouveau Temple Solaire, en coût humain ? Si on joue les grandes âmes libérales dans le mauvais sens du terme, ou plutôt libertarienne, il ne faudra pas venir jouer les pleureuses éplorées quand il y aura des conséquences à des vidéos dangereuses – comme celles du psychopathe qui recommande la naturopathie pour soigner le cancer et affirme que la chimio est un poison ou celles des fous furieux qui ne se nourrissent que de lumière et de leurs crottes de nez – comme ça commence à venir et sur lesquels la MIVILIDES informe et questionne.

Le rôle majeur d’un état n’est pas d’avoir un joli bilan comptable, comme voudrait le laisser penser Jupiter-Macron. Non, son premier et principal job, c’est de protéger ses citoyens, parfois contre eux-mêmes, si besoin est. L’obsession de la rigueur budgétaire qui a fait exploser l’Hôpital public, qui a satellisé l’Éducation Nationale, qui fait disparaître les services publics des petites villes et des villages, cette obsession mortifère s’en prend à tout ce qui coûte sans rapporter directement. Cette vision du monde de boutiquiers est effrayante.

Et à la limite de la dérive sectaire.

par Naqdimon Weil

Naqdimon by Ranson

Par Naqdimon Weil

Par Naqdimon Weil

Naqdimon Weil est rédacteur. Il est aussi chroniqueur. Il est surtout social-démocrate universaliste, laïcard et sioniste. Il est gravement quinquagénaire et profondément provincial. Et, évidemment, il est dans le Coq.
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