La petite boutique des terreurs Partie 2

par | 16 Oct 2018

NAQDIMON fait son malin

Tiens, moi qui vous cause, je dois vous faire un aveu, je suis un bordélique irrépressible. Je range mes documents en tas, mes tee-shirts en boule et mes amours en vrac. Un véritable foutoir. Si j’étais un type bien, c’est-à-dire plus sérieux et moins procrastinateur, je me mettrais à ranger tout ça et à classer les choses dans le bon ordre. C’est important de classer, ça évite de retrouver une déclaration de revenus au milieu d’un paquet de personnages de Donjon et Dragons et un RIB agrafé à la photo de mon ex en maillot de bain, ceci n’ayant aucun rapport avec cela. Bref, il faut classer. Sinon, c’est le foutoir.
Le foutoir, mais pas le déclassement.

Si je me suis permis cette subtile introduction, c’est pour vous parler du deuxième rayon de la Petite boutique des terreurs, celui du déclassement et du grand remplacement. Avec en chefs de rayon Zemmour, Finkie et Mélenchon et en assistants zélés, la Droite et une partie du Centre. Car ils adorent agiter le spectre du déclassement, ces braves gens, déclassement social, déclassement national, déclassement moral, allez-y, vous pouvez vous servir, le choix est vaste et les échantillons gratuits. Mélangeant joyeusement les images idylliques d’un passé qui n’a jamais existé que dans leur tête à l’oracle d’un avenir plus sombre qu’une mousse au chocolat noir, tous ces « analystes » en peau de lapin vous expliquent que c’est fini, que la France, la Morale et le Monde Ouvrier sont foutus et que, bien sûr, on va tous mourir. Pour la dernière assertion, c’est net, mais comme c’est le principe même de la vie, on va mettre ça de côté. En revanche, pour le reste, faut y aller à la hache, voire à la tronçonneuse pour démêler les conneries finement tissées dans leurs discours.

En gros, si j’ose dire, ceux que l’on appelle les déclinistes jouent sur la peur du déclassement. Du déclassement social, pour commencer. Alors, vous aurez beau leur montrer les chiffres, leur expliquer que selon les études statistiques, le nombre de cadres a largement augmenté en une génération, que les enfants de la classe moyenne continuent à progresser socialement, que cette classe moyenne s’est étendue, que leur Âge d’Or social était celui de la schlague patronale et des bidonvilles, rien à foutre. Et si, effectivement, le chômage reste prégnant, ils se désespèrent de la perte des emplois, surtout des petits emplois. Putain, mais c’est quoi, cette morale de petit-bourgeois du XIXe siècle ? Quand est-ce que la Gauche et les progressistes ont abandonné l’idée que le travail n’est qu’une nécessité sociale dont il faut se débarrasser ?  Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front, c’est ça l’histoire ? Merci, mais non, et si demain une machine ramasse mes merdes à la place d’une personne pensante, moi, ça me va. Surtout si on permet à cette personne de subvenir à ses besoins matériels et sociaux. Il est où le problème du manque de travail, si chacun peut vivre comme il l’entend ? Le travail n’est pas une valeur, c’est juste un moyen de produire de la valeur, bordel !

Et puis, il y a les déclassés du nationalisme, ceux qui pleurent la France éternelle, le Phare des Nations, la Mère des Arts, des Armes et des Lois. Alors, on fait quoi ? On reprend Alger et Bamako, Québec et la Nouvelle-Orléans, hardi, petit ? On impose le Français comme langue internationale en reformant la Grande Armée –ne comptez pas sur moi, j’ai les pieds plats-, on institue Musso et Levy comme remplaçants de Diderot et d’Alembert ? Sérieux ? La France n’est plus et ne sera plus –du moins je l’espère– une puissance impérialiste, prête à foutre sur la gueule de ceux qui lui font envie pour leur piquer leurs terres. C’est fini, Louis XIV est mort gangreneux et Napoléon tout seul comme un con sur son île. Et non, non plus, tous les Français ne descendent pas des Gaulois, ils ne sont pas tous blancs et catholiques et surtout, si j’en crois les chiffres, avec 23% de la population ayant une origine « étrangère » –dont 8,4% issus d’Afrique du Nord et subsaharienne-, elle ne m’a pas l’air d’être devenue italienne, polonaise ou espagnole, la France.

T’as le bonjour d’Émile Zola, Zemmour !

Prochain rayon, les marchands de terreurs métaphysiques.

par Naqdimon Weil

Naqdimon by Ranson

Par Naqdimon Weil

Par Naqdimon Weil

Naqdimon Weil est rédacteur. Il est aussi chroniqueur. Il est surtout social-démocrate universaliste, laïcard et sioniste. Il est gravement quinquagénaire et profondément provincial. Et, évidemment, il est dans le Coq.
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