Faut reconnaître, le droit d’auteur, ce n’est pas rien. Pour beaucoup de mes petits camarades, c’est même la seule façon de mettre du beurre dans les épinards, voire d’avoir des épinards tout court. Auteurs, dessinateurs, bédéistes, peintres, graphistes, tous ceux qui ne bénéficient pas d’un statut professionnel doivent attendre les droits en question pour croûter au quotidien. Les copains intermittents claquent du bec mais ont une – petite, toute petite pour la plupart – ceinture de sécurité, et je m’en réjouis pour eux, mais pour les gratte-papier, ce n’est pas la même limonade. Alors, lorsque le Parlement Européen, pas plus tard qu’il n’y a pas longtemps, s’intéresse au sujet, moi, forcément ça me cause. Pas que je compte sur mes droits d’auteur, hein, faut pas croire, vu qu’on bosse volontairement à l’œil au Coq – ce journal de merde comme le dit le subtil Yann Lindingre, qui a la politesse d’un étron mou et la vivacité d’esprit d’un bulot sous Xanax© – et que mes revenus sur le recueil de nouvelles s’approchent du niveau de l’argent de poche des enfants d’un cadre à peine moyen. Mais, n’empêche, vu le nombre de potes qui vivent de leurs plumes, le sujet me cause un peu.
Donc, quand la charmante Rebecca Manzoni, dans l’émission L’Instant M sur Inter aborde le truc, normal, j’écoute. Et là, j’entends un journaliste et un avocat expliquer que tout le mal vient des GAFA et qu’il faut se battre pour protéger ce droit. Ah bon, que je me dis car j’ai du vocabulaire, donc mettre des extraits de Hugo ou de Paulo Coelho sur Touitteur ou Fatchebouc devrait être soumis au droit d’auteur. Tiens, c’est marrant, mais c’est pas faux. En fait, au réel, le propos des deux intervenants n’était pas celui-là mais portait sur le fait que les réseaux sociaux transmettent les articles de journaux sans les rémunérer. Faut reconnaître, à première vue, ce n’est pas terrible comme pratique. Et puis le journaliste continue, en expliquant qu’un canard quelconque survit grâce à deux sources de financement, ses lecteurs et la pub. Et que depuis que Zuckerberg et ses petits camarades de Gougueule ont débarqué, ils captent 82% de la pub en France. 82%, la vache, ce n’est pas de la merde, ça.
Ben, en fait, si, c’est bien du purin. Parce qu’un journal qui vit grâce à la pub, c’est de la bouse en vrac – notez la variété des noms des excréments – ! Car vendre du papier grâce à la pub, c’est être un vendu, Cavanna le disait déjà il y a quarante ans. Alors que le Canard Enchaîné, Charlie Hebdo, Siné Mensuel – beurk, mais bon – et même Fluide Glacial – l’excellent journal de ce con de Lindingre – vivent sans promouvoir les produits des mercantis, les autres lèche-culs viennent tendre leurs sébiles aux boutiquiers. Et quand un plus gros tend-la-patte vient leur bouffer la laine sur le dos, ils geignent. Et vous connaissez l’autre différence entre les « grands journaux » et la presse satirique et humoristique ? Ben c’est que ces derniers ne sont pas sur le Oueb, ou à peine, et qu’ils le vivent très bien. Parce qu’à force de vouloir le beurre, l’argent du beurre et la foufoune à la crémière, ben ça finit par se voir.
Car quand il s’agit de mettre un petit bouton « Facebook » ou « Twitter » sur la page oueb du journal, là, il y a du monde. Donc, on veut bien être un suce-boule des pubards, une pute-à-clicks sur les réseaux sociaux, mais de là à en payer les conséquences, soudain, il n’y a plus personne. Qu’on me comprenne bien, je suis pour la presse libre et indépendante même si je suis persuadé le modèle économique libéral, du moins le principe de l’économie de marché est un poil moins liberticide que le système de l’économie dirigée, je crois que le Figaro, même au pire de sa période réac, peut taper avec raison sur un gouvernement de Droite, alors que jamais la Pravda de l’époque de l’Union des Républiques – je pouffe – Socialistes – je re-pouffe – Sovietiques – heuuu, là, je ne rigole plus du tout – n’aurait eut un mot de travers à propos de la politique du Kremlin. C’est une évidence.
Mais quand on a vendu son âme et son cul à tout ce qui se présentait, quand on a frétillé du fion au nombre de clicks sous son article, et que soudain, on se rend compte qu’on n’a plus que la valeur que celle que le micheton est prêt à vous accorder, on ne vient pas tout soudain jouer les vierges immaculées.
Faut pas déconner avec la morale, les gars.
par Naqdimon Weil
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