T’en as pas marre de croire?

par | 7 Jan 2021

Pas plus hier que demain, pas plus le 06 juin de l’an 666 que le 31 décembre 1999, le monde ne disparaîtra. Qu’importe le «savoir» d’un homme préhistorique peignant un mammouth à l’envers, le message d’un type gravant un cercle barré sur une pyramide, les prédictions d’un calendrier Maya… ou parce que je-ne-sais-qui est persuadé que lorsque Uranus sera dans le cul de Pluton, le monde ne pourra survivre… affirmons-le sans détour: non, rien n’est prévu, rien est joué d’avance, nous ne vivons pas sous le poids du «destin». Le monde est ce que nous en faisons, et pas ce qu’il décide de faire de nous.

Or toujours, et depuis la nuit des temps, des hommes ont cru que Zeus, Jésus, Mahomet, Vishnou ou les astrologues… savaient. Qu’il y avait dans les messages du passé, dans la nature, dans les étoiles, chez les Dieux ou dans le marc de café, une trace de l’omniscience totale.
Ce qui est déroutant, c’est de voir à quel point un croyant peut trouver la croyance d’un autre, absurde: Tu pries à genoux? t’es con puisque c’est sur un pied que la prière est la plus efficace. Tu crois que les chats noirs portent malheur? t’es con puisque ce sont les hiboux qui portent la poisse… tu crois que la fin du monde aura lieu la semaine des quatre jeudis? T’es vraiment trop con, puisque la fin du monde aura lieu le jour où les 4 cavaliers de l’apocalypse débarqueront sur l’avenue des Champs-Élysées!

En ce début d’année, certains médias ont cru bon d’ouvrir leurs pages ou leurs caméras à ce qu’ils qualifient de «médiums», qui sont des «voyants» selon leurs clients, et des charlatans pour les intimes. Insulte caractérisée à la quête humaine de la rationalité, cette pitoyable engeance des médiums-voyants-charlatans entretient l’ignorance et la dépendance pour escroquer ceux qui ne savent plus vers qui se tourner. Ils sont l’appendice merdeux des religions dont ils ont gommé l’aspect «ordre moral» pour n’en conserver que les conneries ésotériques qu’ils nomment pompeusement «sciences occultes».

Du pape François à l’ayatollah Al-mesGlaouies en passant par Jean-Kevin Nostradamus, tous sont persuadés qu’un pouvoir suprême nous gouverne. Que nous ne sommes que des pions perdus dans un jeu dont eux seuls connaissent les vraies règles. Que nous ne sommes que des ignorants qui partent à l’abattoir sans le savoir. Pauvre de nous! Alors, ils passent leur vie à essayer de réglementer la nôtre.

Il faut se faire une raison: ils ne nous feront pas plus changer d’avis que nous ne perturberons leur foi. Nous essayons de faire ce qu’on peut de notre vie, ils veulent que nous fassions ce que la vie veut de nous. On leur parle d’avenir entre nos doigts, mais ces cons veulent nous lire les lignes de la main voire nous causent de destinée entre les mains des Dieux… vous voyez bien que c’est insoluble.

Si les croyances ont toutes un folklore qui leur est propre, elles ont pourtant une base commune: nous ne serions décisionnaires de rien. La vie ne serait qu’un passage, une étape où l’on doit d’abord en baver pour avoir droit à un monde meilleur. Un monde toujours plus beau, plus simple, éternel… mais pour cela, il faut mourir. Eh oui, vous ne pensiez pas que ce serait si simple? Vous ne pensiez pas que la vie était déjà assez compliquée pour ne pas y rajouter un petit sacrifice bien sanglant?  

Non, la fatalité n’est pas de notre bord. C’est pour cela qu’on lutte, que l’on fait grève, qu’on gueule, qu’on rit, qu’on s’emporte, et que l’on tend la patte aux chats perdus… parce que l’on ne sait que trop bien, même si le bonheur semble éphémère, que nous n’aurons pas d’autres vies pour espérer être heureux. 

En cette nouvelle année, ce que nous pouvons nous souhaiter, c’est de faire un pacte avec les croyants de toutes chapelles: Qu’ils nous fichent une fois pour toute la paix dans cette vie-ci, et, si ça peut les rassurer, nous leur promettons, en retour, de leur confier les clés de celle d’après. Quelques années en échange de l’éternité, il faudrait être impie pour refuser, non?

Bref, je souhaite une belle année à celles et ceux qui étaient, sont et resteront encore Charlie, les autres… qu’ils aillent bouffer leur merde.

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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