Un féminisme au nom du genre humain

par | 4 Mar 2025

S’il y a une partie de l’humanité qui devrait porter l’athéisme dans son ADN, ce sont bien les femmes. Les femmes, ou la Femme, avec cette majuscule que l’on octroie à une communauté ou à un peuple dès lors qu’il possède des frontières et un hymne à chanter lorsqu’il reçoit une médaille d’or aux Jeux olympiques. Car si l’on dénombrait toutes les inventions que les hommes ont développées pour asservir les femmes, nous pourrions en conclure qu’une femme n’est pas seulement un genre, c’est une « race ».
Le sexisme : la toute première forme de racisme.

Le poète Hésiode, il y a presque 3 000 ans, dans la Théogonie, parlait de « la race des femmes » comme d’un « fléau cruel vivant parmi les hommes », un cadeau empoisonné de Zeus, qui « accorda aux hommes un fatal présent en leur donnant ces femmes, complices de toutes les mauvaises actions ». Zeus, Yahvé, Dieu et Allah : même combat. Des religions antiques aux trois monothéismes, rien n’a changé : la Femme est le mal originel.

Comme l’affirmait assez clairement saint Paul dans ses Épîtres :
« Que la femme reçoive l’instruction en silence, avec une entière soumission. Quant à enseigner, je ne (le) permets pas à la femme, ni de prendre autorité sur l’homme ; mais (elle doit) se tenir dans le silence. (…) Je veux cependant que vous sachiez que le chef de tout homme, c’est le Christ, que le chef de la femme, c’est l’homme. »

Par ailleurs, saint Paul parlait déjà de voiler les femmes en signe de « sujétion ». Comme quoi, la liberté de « se voiler », c’est un peu comme la liberté de choisir la couleur de sa laisse.

Si nous avons entièrement raison de pointer du doigt toutes les immondices faites aux femmes dans les pays musulmans, il ne faut pas oublier que la haine des femmes n’est pas l’apanage des illuminés du Coran. Les pays catholiques ne sont jamais en reste dès qu’il s’agit de cloisonner la vie des femmes, et ce ne sont ni les Irlandaises ni les Polonaises qui nous diront le contraire. Sans oublier qu’en Amérique latine, une femme peut être condamnée à 30 ans de prison pour une fausse couche. Ainsi, il faut constamment garder à l’esprit que c’est la religion — toutes les religions — qui constitue un carcan pour les femmes. Peu importe le pays : dès que la religion y est forte, les femmes en paient le prix.

Au Vatican, par exemple, plusieurs témoignages révèlent que pour les religieuses au service d’évêques et de cardinaux, le travail ressemble à s’y méprendre à de l’esclavage. À tel point qu’en 2016, le pape François avait formulé un conseil à l’Union internationale des Supérieures générales : « Quand on vous demande une chose qui relève davantage de la servitude que du service, ayez le courage de dire non. » Avant d’ajouter qu’il ne fallait pas « sombrer dans le féminisme ».
Ah, le féminisme ! Ce gros mot tant redouté par ceux qui savent que l’amour de Dieu est indissociable de la haine de l’humanité.

Car le féminisme est l’idéologie de la liberté. Une idéologie humaniste et universelle qui réclame des droits et une égalité de traitement et de considération pour la moitié de la planète. Car lorsqu’une seule partie de la société peut jouir de certains droits, ce ne sont pas des droits, mais simplement des privilèges.

Le féminisme ne peut être l’apologie des clichés et autres préjugés que l’on prête à ce qui relèverait du « féminin ». Comment ne pas rougir de bêtise lorsqu’on parle d’un féminisme qui encenserait le côté « sorcière » des femmes ou leur supposé lien intrinsèque avec la Lune, la Nature et autres absurdités ésotériques ?
Comment ne pas s’étouffer en entendant vanter les mérites du « féminisme pro-sexe », qui légitime la prostitution ? C’est vrai que l’image de femmes exposées en vitrine aux Pays-Bas respire la liberté et l’émancipation. La blague. Et que dire du « féminisme pro-voile », qui valide l’invisibilité des femmes au nom d’un obscurantisme religieux ?

Est-ce vraiment compliqué de comprendre que si des femmes sont forcées à se prostituer ou à porter le voile quelque part dans le monde, si elles luttent contre la prostitution ou le voile au péril de leur vie, cela ne peut donc pas être une liberté pour aucune autre femme ? Il ne faut pas confondre un choix dicté par une société phallocrate — voire une sujétion faussement consentie — avec une véritable liberté.

Le féminisme, c’est avant tout des droits pour briser le plus possible les discriminations et le mépris que subissent les femmes simplement parce qu’elles naissent « femme ».
Un féminisme qui ne galope pas vers la liberté est aussi triste et infantilisant que ces rubriques « astro », « sexo » et « comment réussir un bon gâteau ? » qui polluent les magazines dits « féminins », en se contentant de décorer la cage plutôt que d’en briser les barreaux.

Le féminisme pourrait se résumer en trois mots : Femme, Vie, Liberté.

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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