Ayé, c’est la quille, le Coq prend ses quartiers d’été. Oui, mais nous, qu’en sera-t-il ? Pourrons nous partir et grossir les rangs des randonneurs, campeurs et autres plagistes? La période post Covid nous épargnera-t-elle de nous avilir, suant, dégoulinant mais béats, devant la ligne bleue des mers du monde ? Car si le virus semble moins présent, les risques estivaux habituels sont toujours là, eux !
Lors d’un voyage à Florence en 1817, Stendhal, frappé par la beauté de ce qu’il voyait, était victime d’un malaise, depuis désigné sous l’expression « Syndrome de Stendhal ».
Et bien on peut reprocher beaucoup de chose au tourisme de masse et aux camps de vacances mais ils ont au moins une qualité que l’on ne peut pas leur retirer : ils préservent de ce syndrome. Statistiquement, on a quand même plus de chances de succomber à une indigestion ou à un coma éthylique qu’au choc esthétique causé par l’épais torse moussu de notre voisin de serviette septuagénaire.
Les vacances ! C’est le plaisir d’échapper un moment aux hurlements de votre boss, au bruit infernal de klaxons et à la laideur des constructions urbaines, pour trouver enfin le calme et volupté dans la discothèque d’un camping naturiste de 3 000 personnes sur la Costa Brava…
Voyager, c’est oublier ses propres codes… et ça tombe bien, le pickpocket qui vous a tiré votre carte bleue au marché de Copacabana n’en a pas besoin pour vider votre compte.
Voyager, c’est aussi aller à la rencontre de l’autre, de ses us et coutumes, vivre l’altérité, découvrir cet étranger… et cet étranger, c’est l’allemand en claquettes chaussettes, qui s’exprime dans un dialecte aux sonorités certes déconcertantes, mais qui, en dépit de son air farouche, peut se montrer très amical autour d’une pinte de bière à 10h du mat.
L’invasion des plages thaïlandaises par les allemands en short est-elle vraiment moins redoutable que celle commise par leurs grands-parents en uniforme ? Esthétiquement, ça se discute.
Il est faux de dire que le voyage contemporain ne permet plus l’aventure comme aux débuts du tourisme et ne donne plus accès à la culture, il suffit d’embarquer sur une Costa croisière pour revivre le frisson des naufrages d’antan tout en ayant l’impression d’être dans une réplique du radeau de la Méduse !
Et puis, les voyages forment la jeunesse mais surtout les couples : ce n’est qu’après avoir traversé avec l’autre une tourista, la tête haute et le pantalon sur les chevilles, et avoir partagé sans se battre le dernier comprimé d’imodium qu’on sait qu’on peut aussi partager sa vie avec.
Sans oublier le tourisme extrême dans les zones de guerre, des gens paient aujourd’hui très cher pour risquer de se faire arracher une main par une mine anti personnelle en allant à Raqqa ou en Syrie alors que pour le prix d’un ticket de métro, il suffit d’enfiler une blouse d’infirmière, de brandir un pavé et d’hurler « mort aux cons » devant un car de CRS pour vivre le grand frisson…
Mais peut être céderez-vous au « dark tourism », qui consiste à visiter des endroits évoquant souffrance, mort et désolation : auquel cas, pas la peine d’aller loin pour visiter le camp d’extermination d’Auschwitz, l’île de Gorée ou la centrale de Tchernobyl, il suffit de prendre la ligne 12 et de descendre rue de Solferino.
A la réflexion, tout ça est bien trop anxiogène : c’est décidé, pour moi les congés payés, ce sera confiné ! Et bonnes vacances à tous !
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