Voter pour le «moins pire»

par | 8 Juin 2021

Dans quelques jours les électeurs seront appelés aux urnes dans une liesse proche de l’assoupissement général. Malgré l’enjeu local, et la «proximité» des candidats, l’abstention sera à nouveau évoquée puis oubliée. Mais jusqu’à quand?
Que penser, par exemple, de l’élection législative du XXe arrondissement de Paris où une candidate fut élue, ce dimanche 6 juin, avec plus de 56% des voix… d’un peu plus de 16% des électeurs? Quelle peut bien être la légitimité d’une personne qui siège à l’Assemblée grâce aux voix de moins de 9% des électeurs? En voyant les photos de la joie de la nouvelle députée, on se dit qu’apparemment une démocratie qui se joue sans ses citoyens, ça ne dérange personne.

Mais combien de temps faudra-t-il pour que nous acceptions que le problème ne vient pas de la Ve République qu’il faudrait remplacer par une VIe mais d’une démocratie qui ne compte plus de démocrates. A l’instar de République démocratique du Congo, les mots démocratie et république sont-ils des gadgets pour faire joli ou ont-ils encore un sens lorsqu’ils ne sont plus partagés par une large majorité de la population?
Vouloir comptabiliser l’abstention ou le vote blanc n’est pas la solution car le problème c’est qu’on ne sait pas pourquoi une personne ne vote pas. Alors que «l’offre politique», en France, va des amoureux de Trotsky aux nostalgiques de Pétain, comment accepter -hormis pour une petite poignée d’anarchistes- que ne pas voter est un acte politique?

Non, tout simplement la politique, la liberté, les débats, les contradictions, les utopies, n’intéressent plus. Le peuple est las qu’on lui demande son avis, alors l’éventualité d’aboutir à l’élection de quelqu’un qui ne veut plus de la démocratie a rarement été autant probable. La constitution et nos institutions empêcheront-elles que la démocratie ne se suicide en ronflant? C’est une question à laquelle il ne me tarde pas d’avoir la réponse.

L’homme est un animal passionné: il lui faut un drapeau, des ennemis, une cause à défendre jusqu’à la mort, et si on l’extirpe du combat entre le Bien contre le Mal: ça l’emmerde. Le peuple en a marre de voter pour le «moins pire». C’est pour cela que les chaînes d’info favorisent le «clash» car la réflexion et les arguments, c’est chiant. 
Aussi bizarre que cela puisse paraître, avoir des élus imparfaits c’est une chance! Ce n’est que lorsqu’il n’y a pas d’alternative, et qu’on ne demande son avis à personne que le résultat est forcément «parfait». 

C’est un paradoxe qu’il nous faudrait choyer: «voter pour le moins pire» reste le privilège de la démocratie, car il n’y a que dans les régimes totalitaires que le peuple est uniquement et toujours appelé à voter pour «LE meilleur». Cet être providentiel qui fait tellement l’unanimité aux yeux de tous que ces opposants n’ont pas d’autre choix que de croupir en prison.

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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