Alerte rouge : Macron a (encore) changé d’avis sur le Rassemblement national. « Je n’ai jamais considéré que le RN ou Reconquête ! s’inscrivaient dans ‘l’arc républicain' », déclarait-il à « L’Humanité », lundi 19 février. Requérant carrément que ses responsables ne pointent pas le bout de leur nez à la cérémonie de panthéonisation de Missak Manouchian. Demande poliment déclinée par Marine Le Pen et ses troupes, qui s’y rendront bien le 21 février.
Depuis son élection en 2017, le président de la République s’est montré des plus versatiles dans ses rapports avec le RN. Au contraire des derniers propos du locataire de l’Élysée, le parti nationaliste a été parfaitement intégré à l’exercice républicain. Faisant se dresser sur leurs ergots les adversaires politiques du chef de l’État.
« Ils ne sont pas dans l’arc républicain… mais on fait bien attention de placer Bardella au premier rang… », enrageait ainsi un ténor Les Républicains, en marge de l’hommage national aux victimes du 7 octobre, tenu le 7 février aux Invalides, où le président du RN était présent. Aucun texte n’imposant la présence des patrons de partis à ce type de cérémonie, certains élus ont été étonnés de voir le dauphin de la députée du Pas-de-Calais figurer parmi les personnalités installées dans les premières travées. En déduisant que le carton provenait de l’Élysée.
La dénaturation progressive des hommages nationaux, initialement réservée aux militaires morts pour la France avant d’être ouverte à « certaines personnalités civiles au destin exceptionnel » telles Robert Badinter ou Charles Aznavour, peut expliquer qu’un Jordan Bardella figure parmi les invités de marque. La sympathie calculée d’Emmanuel Macron pour le vingtenaire, tête de liste aux européennes et redoutable débatteur, peut aussi avoir joué son rôle. N’avait-il pas loué le Drancéen à l’issue de sa participation aux journées de Saint-Denis ? Espérant faire naître quelque division entre lui et Marine Le Pen ?
« Moi, je considère que l’arc républicain, c’est l’Hémicycle », confiait Gabriel Attal au « Monde » le 6 février. Avis prolongé par celui du président, lequel renchérissait en disant trouver « tout à fait normal » qu’il puisse y « avoir des discussions » avec le RN à l’Assemblée. Une position mise en pratique dès le 14 février lorsque Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’Etat à la Ville, livrait des avis de sagesse – s’en remettant à l’avis des parlementaires quand la rapporteure Renaissance se déclarait défavorable – sur deux amendements RN défendus par Thomas Ménagé en séance publique. Suscitant l’ire des députés macronistes.
Colère déjà éprouvée lors du vote du projet de loi sur l’immigration, en décembre, avec les voix du RN. Le gouvernement n’hésitant pas à défendre un calcul alambiqué consistant à effacer la présence des 88 députés lepénistes afin d’abaisser la majorité qualifiée. Sans parvenir à calmer ses ouailles. Là se situe l’enjeu : préserver le groupe Renaissance et ménager les alliés présidentiels afin de continuer à bénéficier d’une menue marge de manœuvre législative.
Devoir rendu d’autant plus impératif par la nomination de Gabriel Attal à Matignon, au discours résolument inspiré par le programme mariniste – lutte contre la fraude sociale, classes moyennes au cœur du projet, uniforme et rite républicain endurci,… -, celle de Rachida Dati à la Culture ou encore par l’arrivée de Catherine Vautrin à la Santé et au Travail. Sans compter les multiples mains tendues à la droite depuis le début du quinquennat de 2022.
Emmanuel Macron s’éloigne progressivement de ce qui a fait son élection en 2017 : marcher sur une jambe droite et une jambe gauche. La première est installée autour de la table du Conseil des ministres. La seconde constitue encore un contingent non négligeable à l’Assemblée. Dans un hémicycle plus fracturé que jamais, y compris au sein de la majorité, le risque d’éclatement est grand.
Donner des gages à sa gauche, même dans les colonnes de « L’Humanité », après avoir promis au soir de son élection de 2017 tout faire « pour qu’ils n’aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes », n’est autre qu’un moyen de tenir pour quelques temps encore son aile sociale. Et adapter son discours à son interlocuteur est une habitude d’Emmanuel Macron. Ainsi de ses déclarations à « Valeurs actuelles » en 2019, lorsqu’il promettait l’exécution de 100% des Obligations de quitter le territoire français (OQTF). Ainsi, encore, de son injonction à « déconstruire notre propre histoire » dans un entretien à la chaîne américaine CBS. Des contradictions creusant chaque jour un peu plus l’abîme dans lequel se précipite le « en même temps » macronien. Dont le fil conducteur semble définitivement rompu, si tant est qu’il ait jamais existé.
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