Badinter en théorie et en pratique

par | 20 Fév 2024

Robert Badinter, garde des Sceaux emblématique de François Mitterrand, est célébré depuis l’annonce de son décès le 9 février.
Ce grand avocat, qui eut 4 ans la casquette de ministre, est devenu le symbole de l’abolition de la peine de mort.
Ne plus couper la tête des gens même s’ils sont reconnus coupables d’une abomination, fut le combat de sa vie. En théorie c’est une avancée philosophique indéniable bien qu’en pratique, comme le faisait remarquer narquoisement Pierre Desproges, ça ne concernait qu’une partie infinitésimale de ceux qui croupissent en taule.

En revanche, nous devons à Robert Badinter la dépénalisation de l’homosexualité en 1982.
Si cela faisait presque 20 ans que personne n’avait été condamné en France en raison de son orientation sexuelle (le dernier fut Bernard Bousset, un jeune homme de 24 ans, en 1964) en pratique le délit impactait directement toute la société.
Parce qu’un Etat qui vient juger l’intimité, les désirs et les sentiments de deux personnes consentantes ne peut pas se définir comme un pays libre.

L’homophobie, on en parle souvent sans le dire, est un dérivé de la misogynie. Vous remarquerez d’ailleurs que dans les pays où l’on met les homosexuels en prison, les femmes y ont peu ou pas de droit. C’était le cas en France où il fallut se battre pour que les femmes puissent voter (1944), ouvrir un compte en banque à leur nom (1965), avoir droit à une contraception (1967), disposer de leur corps en ayant accès à l’IVG (1975), et surtout le droit à ne pas être violée (1980).

Concrètement, une lesbienne est méprisée parce qu’elle se passe d’un homme sentimentalement et sexuellement, et un gay est méprisé parce qu’il a des pratiques sexuelles que l’on associe aux femmes. D’ailleurs le mot « efféminé » revient souvent lorsqu’on parle des homosexuels comme si l’éventualité d’avoir des caractéristiques que l’on impute aux femmes seraient dévalorisant. Comme si être une femme était en soi un échec, un second choix, un deuxième sexe.

La première des libertés consiste au droit à une vie privée. Au droit d’être ce que l’on est, d’avoir une intimité, à la possibilité de l’assumer, et surtout, n’en déplaise aux cons, de faire l’amour à qui nous plaît. Dépénaliser l’homosexualité fut une avancée sociétale majeure comparable à l’obtention du droit de vote qui ne date pas de 1870 mais de 1944 : Car tant que les femmes n’avaient pas le droit de voter, les Français n’en avait pas réellement le droit. Quand la moitié de la population n’a pas un droit c’est qu’il s’agit d’un privilège.
Ainsi on ne devrait pas résumer Robert Badinter à l’homme contre la peine de mort car il fut davantage un héritier des Lumières en faveur du droit d’aimer en toute liberté.
Et pour cela, il restera au Panthéon immatériel de l’humanité.

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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