Coquille vide

par | 8 Nov 2022

On ne retient de lui que sa « belle gueule » ou son style « gendre idéal ». Parfois ses balles perdues durant les (nombreuses !) interviews qu’il accorde. Et pourtant. Quelqu’un a-t-il vu orateur plus chiant que Jordan Bardella, du moins au RN ?

Entre ses accents faussement gaulliens – ou Jean-Marie lepénien – et sa séquence émotion digne d’un téléfilm de France 2, le discours du président nouvellement élu du Rassemblement national – premier à ne pas porter le patronyme Le Pen depuis la création du parti en 1972 –, était extraordinairement creux. Un peu à l’image de son logiciel idéologique, proche de zéro à en croire certains conseillers de la campagne des européennes de 2019 (l’ancien journaliste de BFMTV Pascal Humeau, pour ne pas le nommer, cité dans Le Monde).

Est-ce à dire que Jordan Bardella n’apporte rien de neuf, si ce n’est du sang, à la formation nationaliste ? C’est ce que ses troupes ont répété inlassablement aux journalistes – dont l’auteur de ces lignes – présents au XVIIIe Congrès du RN, qui s’est tenu le 5 novembre à La Mutualité. « C’était le slogan de la campagne : “On continue” », déclarait un cadre du parti auprès du Coq. Dans la même veine, un député nouvellement élu et proche du jeune président se félicitait que celui-ci soit « un outil » chargé de structurer le RN pour mener à bien la campagne présidentielle de Marine Le Pen en 2027. Pour l’heure, l’intéressée aime à dire qu’elle ne se présentera qu’en cas de « circonstances exceptionnelles ». Mais personne n’est dupe.

À 27 ans donc, plutôt qu’en leader politique, Bardella se transforme en surintendant du parti à la flamme, chargé de repérer les nouvelles figures montantes du Rassemblement national – n’a-t-il pas annoncé, dans une interview au Point, travailler à la création d’un « école des cadres » sous l’égide du politologue Jérôme Sainte-Marie ? – et de faire tourner la machine électorale. Même si le jeune loup se montre un tantinet plus à droite – en reprenant notamment à son compte le terme de « grand remplacement » dans une tribune à Marianne – que sa tutrice Marine Le Pen. Laquelle rappelait sur l’estrade samedi : « Je ne pars pas en vacances. » Ou comment dire qu’elle garde en grande partie la main. 

Et pourtant. Durant toute la campagne interne, l’adversaire de Bardella dans la course, le maire de Perpignan Louis Aliot, persistait à se présenter comme plus modéré et social que le favori des militants. Poussé, dans son épopée électorale, par le « clan d’Hénin-Beaumont », duo mariniste composé du maire de la ville, Steeve Briois, et du député de la douzième circonscription du Pas-de-Calais, Bruno Bilde. Deux frontistes un temps très proches de Marine Le Pen et en grande partie responsables du tournant social du parti à la flamme. Ont-ils été sacrifiés sur l’autel de l’idéologie identitaire soi-disant prônée par Bardella ? Briois le dénonçait à cor et à cris, samedi, auprès de la presse, après avoir découvert que ni lui ni Bilde ne faisaient partie du Bureau exécutif nommé par le président élu. Mais, hormis les deux compères, tout le monde se rend à l’évidence : l’élection de Jordan ne changera rien au parti à la flamme.

Par Gaston Lécluse

Par Gaston Lécluse

Élevée en bonne petite gauchiste, Gaston Lécluse est devenue la fierté de la famille en infiltrant un journal de droite. La seconde partie du plan : épouser un lepéniste influent et continuer d’ausculter le patriotisme, le nationalisme et l’extrême droite. Même si, en vrai, c’est pour déguster des petits fours à l’Élysée quand Marine sera présidente. Pour elle, le blasphème est une religion et la prière une hérésie. Recrutée au Coq par mégarde.
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