De quoi remplir le vide

par | 15 Fév 2022

Le Convoi de la liberté  est une forme de détonateur. A mes yeux, pour le côté pathétique qu’il m’inspire, un détonateur de la pensée. Voir plus large, voir le pourquoi de ce comportement de rebelle à bon compte. Et en cette période de fin d’épidémie (on l’espère), période de questionnement, période électorale, et surtout période de frustrations multiples, combien sont-ils à avoir peur, avoir besoin de se rassurer à plusieurs, besoin d’exprimer une colère légitime ou non, en rendant les autres, (ah non pas les autres, on se doit d’afficher la solidarité et boire des coups ensemble en chantant la Marseillaise ou Le petit vin blanc), enfin en rendant le gouvernement, l’Europe, la terre entière, responsables des maux personnels et de ses propres défaillances . La vie est simple quand on a compris qu’il y a les bons et les méchants même si on ne sait pas clairement où habitent les uns, où exploitent les autres. Attention, je ne mets pas en cause la sincérité d’un certain nombre de gens simples assaillis par les difficultés économiques et qui ont pris un train contestataire en marche sans connaitre le terminus. 

Alors remplir le vide, ça rassure, et ça calme les angoisses quotidiennes. La peur est mauvaise conseillère mais la peur est là, parmi ceux qui rejoignent les extrêmes. Peut-on ne pas subir l’angoisse existentielle et suivre les partis extrêmes à la mode si l’on n’est pas guidé par la peur? Ce besoin d’être rassuré, de retrouver des certitudes identitaires permet de projeter sa frustration sur les autres. C’est humain. C’est tristement humain.

Alors combler le vide, c’est se laisser aller vers des instincts primaires et surtout ne pas élaborer un schéma de pensée construit; ça repose. Ajouter le côté rebelle provoque une excitation supplémentaire, le goût de l’interdit, de la transgression. Alors plus c’est le fourre-tout dans l’affichage des revendications plus on n’est sûr de ne pas se retrouver seul au milieu de nulle  part. Les meneurs ne sont pas à quelques contradictions près; trop d’exemples d’apolitiques…d’extrême-droite, comme on dit. J’ai une pensée pour les anciens gilets jaunes, les tristes pantins plus ou moins désarticulés, Jacline Mouraud et Benjamin Cauchy. Pas facile de prendre du temps pour délaisser le porte-bave du frustré Eric Z, candidat des frustrés, pour rejoindre de vieilles connaissances dans le grand défilé du « Convoi de la liberté », qui lutte contre la dictature qui s’est installée en France, les gens bien informés le savent.

La colère contre le pass vaccinal n’étant pas suffisante pour faire du monde, on trouve son bonheur dans les sujets de contestation, un peu de tout, suffisamment pour que  ceux qui ont envie de faire plusieurs fois le plein de leur voiture, puissent partir drapeau bleu, blanc, rouge en évidence. Je me demande comment les routiers canadiens, créateurs du Convoi de la liberté voient ce convoi français sans camions. Quand on est propriétaire de son outil de travail, comme nos cousins d’Amérique du nord, ça change un peu la donne. Petite parenthèse: avec 10 000 bagnoles dans le convoi hexagonal et 4 personnes par véhicule en moyenne, on arriverait à 40 000 citoyens, sur 67 millions de Français, en gros 0,05% de la population qui veulent donner une leçon de démocratie. Merci pour la démonstration, la représentativité et la crédibilité. Enfin la nouvelle majeure c’est que Florian Philippot est cliniquement vivant. Le dernier week-end, il était content: il avait un micro et il a eu beau temps.  A part ça, puisqu’une partie du public délaisse les salles de spectacle et de cinéma, que ces braves spectateurs fassent une pause dans les programmes Netflix à la maison et retrouvent le chemin de la lecture. Prendre un livre, facile d’accès, par exemple…  La mort en partage.

Par Thierry Rocher

Par Thierry Rocher

Thierry Rocher est un auteur, comédien, humoriste qui fait où on lui dit de ne pas faire. Vous pouvez le retrouver dans la Revue de presse des Deux Ânes sur Paris Première
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