De Villepin et le miracle juif

par | 5 Déc 2023

En guise de préambule, faisons un petit bond dans le temps pour nous remémorer l’existence de Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur de Nicolas Sarkozy. Lors des universités d’été de son parti en 2009, en voyant des militants venant d’Auvergne dont l’un d’eux était d’origine maghrébine, Brice «plaisanta» en ces termes :
«il ne correspond pas au prototype. (…) Bon, tant mieux, Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes…».
L’accusation, à raison, de racisme par la presse et les partis de gauche ne se fit pas attendre 5 minutes. Hortefeux le calamiteux se justifia en disant que ses propos ne s’adressaient pas aux Maghrébins mais aux Auvergnats.
Une plainte fut déposée (il fût relaxé en appel) mais personne n’a jamais été dupe du caractère raciste de sa « plaisanterie ».

Revenons en 2023, le 23 novembre, lorsque l’ancien ministre de droite, Dominique de Villepin, dans l’émission Quotidien commenta en ces termes, un reportage sur les difficultés que rencontreraient aux Etats-Unis des artistes exprimant leur solidarité envers les Palestiniens :
« les artistes ne doivent pas se soumettre à la dictature de la pensée commune. On voit en filigrane à quel point la domination financière sur les médias, le monde de l’art, de la musique, pèse lourd. Ils ne peuvent pas dire ce qu’ils pensent tout simplement parce que les contrats s’arrêtent immédiatement. La règle financière qui s’est imposée aujourd’hui aux États-Unis dans la culture pèse lourd. Malheureusement, nous le voyons aussi en France. Le prix est extrêmement cher pour les quelques artistes qui, eux, de bonne foi expriment un engagement qui est celui de leur vie, de leur famille, de leur histoire et qui sont obligés de se renier en public. »

Outre que Dominique de Villepin zappe sciemment (ou non) tous les artistes qui ont exprimé sans aucun problème leur solidarité avec les civils palestiniens (Kristen Stewart, Joaquin Phoenix, Cate Blanchett…) ; ce vocabulaire tentant de prouver une « domination financière » de personnes (sans les citer) qui favoriseraient la parole pro-israélienne, sous-entendu la mainmise par un lobby Juif sur le monde culturel et politique, est l’un des clichés antisémites qu’on ne présente plus.   

Dans ces cas-là, lorsqu’une personnalité politique fait un dérapage, une bourde ou se vautre complétement en public, la tradition veut que ses adversaires politiques le chargent collégialement. Que ce soit à gauche comme à droite, c’est le jeu, car on ne se prive jamais de démasquer le con d’en face.

Or, c’était sans compter sur le « miracle juif » : Du journal l’Humanité jusqu’à Libération en passant par Marianne et avec la glorieuse participation de la France Insoumise, loin d’être conspué par la gauche, Dominique de Villepin se retrouve soutenu bravement par ses adversaires naturels. Tel le porc cherchant la truffe, à gauche on n’hésite pas une seconde à patauger dans la fange pour débusquer l’absence d’antisémitisme là où se trouve l’antisémitisme. 

Si nous avions dit à de Villepin, qu’un jour, il serait défendu par l’Humanité, il ne l’aurait pas cru tant ça parait impossible, c’est ça le « miracle juif ».
Prenez deux ennemis, ajoutez un Juif dans la discussion, et vous verrez que ceux qui s’engueulaient finiront par se disputer avec le Juif. C’est le « miracle juif ».
Prenez des féministes qui condamnent la culture du viol jusque dans les dessins animés, présentez-leur des femmes qui ont vécu des viols, des viols collectifs, qui se sont fait mutiler dont certaines ont eu les seins coupés, eh bien nous pourrions imaginer un soutien et une solidarité sans faille sauf, oui, sauf si les tortionnaires sont du Hamas et que les victimes sont juives. Quel putain de miracle, ne trouvez-vous pas ?

Dernier en date mais peut-être le plus drôle : il était prévu à Paris, le 6 décembre, que l’égérie queer, Judith Butler qui trouve que le Hamas est de gauche, en partenariat avec le NPA (parti antisémite faisant l’apologie du terrorisme) fasse une conférence intitulée : « contre l’antisémitisme (et) son instrumentalisation (…) ».
Imaginez ne serait-ce que l’idée de la possibilité d’une conférence dénonçant une discrimination et, en même temps, son « instrumentalisation » ? Un truc du style : « contre le sexisme et son instrumentalisation »; « contre l’homophobie et son instrumentalisation »; « contre le racisme et son instrumentalisation », impensable ! Hormis dans le cadre du « miracle juif ».

Le « miracle juif » c’est d’être toujours l’exception qui confirme la règle. Serait-ce le revers de la médaille d’un « peuple élu » ?

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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