Delphine Horvilleur est une licorne

par | 17 Jan 2023

Delphine Horvilleur, ancienne journaliste, est une femme moderne, souriante, et, n’en doutons pas, brillante. Elle a de l’humour, elle est pertinente, elle passe très bien à la télé, et elle a une bonne voix pour la radio. Elle est aussi, depuis quelques années, la directrice de rédaction de la (bonne) revue trimestrielle de pensée juive : Tenou’a. Bref, elle a l’air sympa.
Mais si elle nous intéresse, c’est qu’elle a une singularité qui vous accroche la curiosité médiatique : elle est rabbin.

Alors, voyez-vous, une religieuse sympa, ça fait toujours son petit effet à la télé. Les médias adorent ça. Donner la parole à une personne cool mais pieuse, c’est la tendance depuis Sœur Sourire. C’est le péché mignon des émissions un brin dans le vent : inviter sur son plateau une personne qui connaît mieux les Écritures que Gad Elmaleh ne maîtrise les sketchs de Jerry Seinfeld.

Ainsi on peut lui demander son avis sur Romain Gary, l’écriture inclusive, le prix de la baguette de pain, la mort, les ouvertures faciles des paquets de biscuits etc. Vous comprenez, l’opinion d’une femme touchée par la foi au point d’en faire son job, ça donne au public un peu de hauteur. Peu importe si son courant de pensée ressemble à l’affluent qui sépare le cours d’eau du ruisseau de la rigole qui va finir par goutter dans la douche, un peu de Dieu c’est toujours bon à prendre.

Il y a quelques années, nous avions Jacques Gaillot, un gentil évêque qui disait tout le contraire du Pape ; on le voyait partout, une caméra, un micro, il était là. Il nous parlait de Son Dieu, de sa lecture de la Bible, et tout le monde était content.
Il y a aussi eu la période Dallaï-Lama et ses gamins au crâne rasé qui nous faisaient oublier l’horreur des sectes parce qu’ils jouaient au kungfu.
Les musulmans ont aussi failli avoir leur Sœur Sourire en la personne de Tariq Ramadan, coqueluche médiatique, qui venait nous dire poliment à quel point Allah était fait pour nous. Malheureusement pour ceux qui y croyaient, Ramadan se révéla une immonde pourriture plus fondamentaliste et dangereuse que son blazer ne le laissait croire. Mauvaise pioche comme dirait l’autre.
Parfois les médias vous trouvent un bigot sympa, mais il arrive qu’il se révèle aussi con que ce en quoi il croit.

N’ayez crainte, Delphine Horvilleur n’a rien d’un Tariq, elle est plutôt notre nouveau Jacques Gaillot. Ainsi, elle a eu l’honneur du dernier numéro de décembre de l’hebdo (que j’aime) Franc-Tireur. Bordel de Dieu ! J’adore Caroline Fourest qui est la directrice de cet hebdo mais que vient foutre un rabbin entre une universitaire, une réalisatrice et un physicien ? Peu importe son avis sur la société qu’elle le garde pour ses ouailles ! Lorsqu’on croit mordicus en Dieu, en Allah ou en Yahvé, il y a toujours cette petite mélodie dissonante qui ne cesse de vous rappeler que les religions ce n’est rien de moins que de la merde à boire.
Delphine Horvilleur n’est pas écrivaine, c’est une religieuse qui écrit. Son dogme est plus grand qu’elle, c’est sa fonction pour ne pas dire sa vocation, tout ce qu’elle dit, ce qu’elle pense part du principe qu’elle croit réellement que la Thora n’est pas qu’un ramassis de conneries.

Être laïque c’est bien mais serait-ce trop demander d’entendre et de lire une parole ostensiblement athée ? Parce que bon, Dieu c’est comme les licornes, c’est joli mais ce n’est que du vent. 

(illustration ©Laura Acquaviva in Franc-Tireur)

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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