Dictatures tolérables

par | 15 Mar 2022

Cher journal,
Si nous prenions la peine de résumer les régimes politiques à la tête de tous les gouvernements du monde, nous pourrions classer en deux grandes catégories les pays: Ceux qui sont libres et ceux qui ne le sont pas.
Attention, quand on parle de liberté pour un pays, soyons simples et pragmatiques:
1. La presse est libre de dire qu’elle n’est pas de l’avis du gouvernement;
2. Les partis d’opposition sont libres de se présenter aux élections;
3. Les citoyens sont libres d’avoir une vie privée; 
4. Dieu a la liberté de ne pas exister;
5. Les femmes sont libres d’avorter. 
Certes, avoir droit à ces cinq libertés ne veut pas dire que le pays est «parfait» mais cela indique que ceux qui y résident sont globalement libres. Si l’une ou toutes ces libertés sont absentes d’une nation, on conclura qu’il s’agit soit d’un régime autoritaire soit d’une dictature, selon la politesse ou le réalisme dû à la puissance économique du bled en question.

D’ailleurs, au sein de la famille nombreuse des dictatures qui vérolent la planète, nous pourrions distinguer subtilement: les dictatures exotiques, les dictatures embarrassantes, et les dictatures dangereuses.
– Une dictature exotique se situe généralement tellement loin de nous, qu’en plus de ne pas trop savoir la trouver sur une carte, on en a rien à foutre. Au hasard Brunei, petite monarchie en Asie du Sud-Est de moins de 500 000 habitants, eh bien on peut y lapider les homosexuels, flageller les femmes qui souhaitent avorter, et amputer les voleurs, voyez-vous ça ne nous regarde pas. C’est trop loin.
– Une dictature embarrassante, par exemple le Qatar, on a beau savoir que l’esclavage y est toujours d’actualité, qu’on y finance plus ou moins directement le terrorisme mais, voyez-vous, ils ont tellement de fric qu’ils peuvent acheter «chez nous» des clubs de foot, des chaînes de télévision, et tout un tas de babioles qui font passer les démocraties pour de joyeuses escortes de luxe. C’est embarrassant mais on s’en accommode. 
– Une dictature dangereuse, par exemple la Chine ou la Russie, est un pays qui possède l’arme nucléaire.

Si à la tête d’une démocratie il peut y avoir un crétin, c’est sans le moindre doute qu’à la tête d’une dictature se trouve un salopard. S’il est vrai que le malheur rend con, gageons qu’être dictateur rend fou. Et un fou qui dirige une dictature finit par devenir comme elle: dangereux. On peut faire semblant de l’ignorer, créer des accords commerciaux, offrir l’organisation d’une grande manifestation sportive, appeler son tyran Mr le Président plutôt qu’enfoiré d’Autocrate; inconsciemment, on sait que si ce taré déraille ça risque de faire mal. Incapable d’imaginer le monde sans lui, il serait bien capable, en fin de vie, de vouloir faire péter la planète pour que personne ne lui survive. C’est un risque que l’on prend soin d’ignorer.

D’ailleurs, souvent les démocraties vendent des armes aux dictatures… alors comment se plaindre quand elles s’en servent ? Il arrive aussi que nous, les démocraties, finissions même par dépendre énergétiquement ou alimentairement des dictatures… c’est bien la preuve que nos crétins en chef sont des cons puisqu’ils se mettent benoîtement à la merci des salauds.

Certes, aux belliqueux nous préférons les pacifistes, et nous sommes d’accord avec Brassens quand il chantait que «mieux vaut tourner sept fois sa crosse dans la main, mieux vaut toujours remettre une salve à demain» mais ça n’a de sens qu’en temps de paix. Là, Poutine est déjà en guerre, les morts s’empilent, et il arrive que le pacifisme ne fasse pas œuvre de paix mais de lâcheté. Ce n’est pas parce que «nous» avons été inconscients par le passé que nous devons courber l’échine dans le présent. Car après l’Ukraine, qui sera le suivant? Et peu importe qu’il n’y ait que l’Ukraine qui tombe, n’est-ce déjà pas suffisant?
L’espoir c’est comme la dignité, dès qu’il n’y en a plus, il n’y a plus rien.

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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