Jusque dans l’isoloir, j’hésitais de mon vote. Au premier comme au second tour. Rassurons vite les lecteurs à l’imagination débordante : Marine Le Pen n’était pas une option – en tous cas pas une option sérieusement envisagée. Mais voter Macron, c’était voter libéral. Et pour une souverainiste ayant fait barrage en 2017, réitérer l’expérience en 2022 signifiait adhérer à la doctrine prônée il y a cinq ans par celui qui n’était encore que le candidat En marche !.
Sauf qu’effectivement cinq ans ont passé. Cinq ans durant lesquels la crise des Gilets jaunes, la pandémie et la guerre en Ukraine auront tour à tour transformé Emmanuel Macron, le faisant passer de jeune sachant du managment à chef d’État. Qu’on l’apprécie ou non, il faut reconnaître que l’ancien ministre de l’Économie de François Hollande a su mettre de l’eau dans son vin et mesurer les désavantages d’une politique de privatisation à tous crins. Son implication européenne s’est, elle, traduite par la mise en commun de la dette Covid – ce qui signifie que les Pays-Bas ont accepté de payer pour la Grèce sans contrepartie, une première dans l’histoire de l’UE –, en vote du « Green Deal », en régulation du système des travailleurs détachés, promesse d’un salaire minimum européen.
Sur le plan européen, oui, Macron sait convertir les Français, mêmes les plus réticents dont l’auteur de ces lignes fait partie. Et même, j’en suis venue à rejoindre et à défendre ardemment, avant le conflit armée à nos portes, l’« Europe de la défense », afin de gagner notre indépendance vis-à-vis des États-Unis et de l’Otan. À mes yeux, enfin un président français réussissait à exporter la philosophie sociale de notre beau pays et à impulser une refonte sociale du système, tout en s’appliquant à travailler à une indépendance énergétique – donc politique – de l’organisation.
Pourtant, Macron restait libéral au sein de l’hexagone : suppression de l’ISF (transformée en IMI, ce qui a signifié la diminution drastique des taxations des revenus liés au financier), destruction du Code du travail à coups d’ordonnances, privatisations en cascade, conflits d’intérêts entre ministres ou membres du gouvernement avec de grands groupes comme MSC (bonjour Alexis Kohler !). Voter pour le président sortant, c’était donc voter pour ce système que je honnis depuis des années et qui perdure depuis les années 1980.
Fallait-il donc voter Marine Le Pen qui, à défaut d’être une farouche socialiste, portait elle un message clairement souverainiste, désiré par une part non-négligeable de la population française depuis des dizaines d’années ? D’autant que ce cheminement européen qui avait été le mien, elle-même l’avait effectué. Cela suppose-t-il cependant que la candidate du RN soit encore souverainiste – la question s’applique aussi de mon côté –, que l’Europe puisse à la fois avoir une influence significative en France tout en nous protégeant notre modèle social et nos acquis. Et si c’était cela, le piège dans lequel éviter de tomber, celui de la compromission avec le modèle européen, satisfaisant aujourd’hui mais certainement décevant demain ?
Ces deux logiques m’ont poussée à ne pas me positionner pendant ce second tour. D’un côté, je ne pouvais rejeter en bloc le travail du sortant même s’il en fallait un peu plus pour me convaincre. De l’autre, j’ai dû me résoudre à ce que le camp souverainiste n’ait plus eu de candidat depuis 2002 et Chevènement (oui, laissons Dupont-Aignan et Asselineau en-dehors de cela). J’attendrai et observerai ce nouveau quinquennat Macron et tâcherai de répondre à cette simple question, dont les termes s’opposent pourtant depuis des décennies : l’euro-souverainisme est-il un attrape-tout traduction européenne du « en même temps » macronien ou bien un véritable nouveau courant politique dont les jeunes anti-européens d’hier pourraient se faire les porte-voix de demain ?
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