Il y a huit ans, je m’apprêtais à en avoir seize. Une élève de seconde aux résultats moyens et sans idée précise de ce à quoi se destiner. Le 7 janvier 2015, un mercredi aux environs de midi, j’allumais brièvement les infos avant de me rendre dans un autre établissement scolaire que mon lycée d’origine, où je suivais des cours d’italien. Sur l’écran de la télévision, des tirs de kalachnikov en l’air, filmés maladroitement depuis un toit. Des « Allah akbar » hurlés par les deux hommes dans la rue : « On a tué Charlie Hebdo ! »
J’ai éteint. Me suis levée du canapé et suis partie. J’avais bien vu des noms inconnus, ceux des victimes, défiler. Ma méconnaissance de ce journal satirique – dont j’avais bien sûr entendu parler sans jamais l’avoir lu – ne m’a pas fait me sentir concernée. Pas tout de suite du moins. C’est seulement en arrivant en classe – où nous étions, comme d’habitude, un petit comité de cinq élèves –, et après quelques échanges avec les uns et les autres, que j’ai réalisé : une attaque contre des journalistes français, en territoire français, au XXIe siècle. Anachronique. Terrifiant. Absurde.
Les jours qui suivirent furent galvanisants pour les jeunes âmes comme la mienne. Armée de ma pancarte, j’ai marché, longtemps, le 11 janvier, dans les rues de Paris. Comme quatre millions de Français. Des participants embrassaient les policiers sous mes yeux, eux aussi victimes du commando du 7 janvier. Tout comme les juifs de l’Hyper Cacher. L’union face au terrorisme et à l’obscurantisme. Du moins nous le croyions.
« Oui, mais… » Sur les plateaux, les objecteurs de consciences distillaient leurs analyses paternalistes, se contorsionnant en explications alambiquées pour expliquer la rage de ces pauvres assaillants. Des victimes de leur condition sociale, offensés que des dessinateurs puissent rire de leur religion. Un contrepied mortifère.
Je lis Charlie Hebdo toutes les semaines depuis le 7 janvier. Sans doute ne serais-je jamais devenue journaliste si ce fameux mercredi avait été un jour normal. Un jour où Charb, Cabu, Wolinski, Tignous et tous les autres seraient sortis de leur salle de réunion, la Une de la semaine suivante en tête, se seraient installés à leur bureau, auraient continué à déconner d’un bout à l’autre de la rédaction. Une réalité parallèle, qui n’a de « réalité » que le nom.
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