Insoumis, affranchis-toi

par | 23 Avr 2024

Cher Insoumis, dernièrement tu as entendu, la tête de liste pour La France Insoumise aux élections européennes, Manon Aubry, déclarer : « on ne peut pas faire l’union à gauche sans Mélenchon » en réponse à ceux qui voudraient justement se débarrasser de lui.
Si instinctivement, car tu es très instinctif, tu as crié au complot, tu te demandes néanmoins pourquoi des gens ne veulent plus de ton chef ?

Depuis quelques semaines, quelques mois voire quelques années, si tu as de la mémoire, on accuse ton parti de vilaines choses qui sont généralement l’apanage de l’extrême droite. C’est méchant. Alors, n’écoutant que la rhétorique du « c’est celui qui dit qui est », tu accuses tous ceux qui ne pensent pas comme toi d’être « des fachos », les Juifs et ceux qui luttent contre l’antisémitisme d’être « des Nazis », et tu cries au complot dès qu’on te dit que tu tombes dans le complotisme.

Il faut te comprendre : être de gauche, pour toi, ce n’est pas qu’un mot, c’est un titre, une identité qui te range du côté du bien immaculé et des gentils au cœur pur. Il est donc primordial, pour toi, d’appartenir à la « vraie » gauche. D’ailleurs, lorsque tu entends la formule « deux gauches irréconciliables », tu penses qu’il doit s’agir de la « fausse » gauche et de la « vraie » gauche. Il n’en est rien. Si une gauche (la « fausse ») s’est construite sur le droit et les libertés individuelles, l’autre (la « vraie ») s’est fondée sur son opposition au système capitaliste. C’est pour cela que la première a tendance à dénoncer les régimes autoritaires ou totalitaires tandis que la seconde ne critique essentiellement que les pays alliés aux USA.

Historiquement, la « vraie » gauche s’est retrouvée tranquillement du côté de Hugo Chávez, de Fidel Castro, des Khmers rouges, de la Chine (dès Mao Zedong), des Brigades rouges, d’Action directe, de la Révolution islamique de l’ayatollah Khomeini, du Hezbollah, de l’URSS et de Staline. Notons – léger rappel – qu’en France, le Parti Communiste n’est entré globalement en résistance contre l’occupation nazie qu’après la rupture du pacte germano-soviétique.

Mais laissons le passé au passé, pour te faire remarquer, qu’aujourd’hui, si ton parti n’a pas grand-chose à dire contre la Russie, la Chine et les dictatures islamistes, il est intarissable contre les USA, les pays européens et Israël. Attention, ça ne veut pas dire que ces-derniers devraient être exempts de critiques mais que la géopolitique, à géométrie variable, de Jean-Luc Mélenchon fait qu’il n’est précautionneux qu’envers les pays dont tu jugerais abominable le système politique si tu avais le malheur d’y vivre.

L’isolement intellectuel dans lequel te poussent les leaders de La France Insoumise ne veut pas dire que tu es le seul à avoir raison. Par exemple, lorsque ton parti (en compagnie de celui de Marine Le Pen) n’est officiellement pas convié aux obsèques de Robert Badinter, ne te dis-tu pas qu’il doit y avoir une vague ligne rouge que vous avez dû franchir ?
Comprends, s’il te plaît, que lorsque ton chef, Jean-Luc Mélenchon, tel un ado en mal de comparatif, se met à accuser tout le monde d’être « des nazis », outre le parallèle abject dans le contexte actuel, tu ne passes plus pour un Insoumis mais pour un soumis aux idées qui fomentent l’achèvement des démocraties.

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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