Je-m’en-foutistes s’abstenir

par | 29 Juin 2021

Voter ou ne pas voter, telle est la question. Dimanche 20 et 27 mars, entre 67 et 65% des électeurs ont choisi la seconde option. Quand on dit « les électeurs », il faut savoir qu’on parle d’une proportion de la population qui équivaut à un peu moins de 48 millions de personnes, inscrites sur les listes électorales, pour 67 millions de Français. 65%, on est donc – très – loin du taux d’abstention réel, même si on rétorquera que les gosses ne votent pas. Perspicace, mais stupide de croire que le nombre de non inscrits concerne uniquement nos rejetons.

Autant dire que la question politique intéresse ! De quoi donner de l’espoir à ceux qui croient – encore – en la démocratie. La nôtre est l’une des plus vieilles au monde, soit dit en passant. Et les quelques irréductibles votants de l’hexagone le sont presque autant. Au-delà de 70 ans, le nombre de personnes qui se sont déplacées aux urnes devient supérieur au nombre d’abstentionnistes. Pas avant. « Tous pourris », « Voter, pour quoi faire ? », « Ah bon, ‘y a une élection aujourd’hui ? ». Elles étaient drôles les réactions de nos chers compatriotes. Mais de compatriotes, il n’y a plus. Seulement des veaux, sans cervelle ni volonté. Du côté des jeunes, ce n’est pas assez de rappeler que 87% des 16-24 ans ne se sont pas déplacés au premier tour des régionales. Il faut physiquement se confronter à leur désertion de la vie politique. 

2017, première élection à laquelle j’ai participé. Dans ma classe, la moitié des élèves en âge de voter n’ont pas jugé utile de s’inscrire sur les listes électorales. Je doute que ceux-ci aient, depuis, rectifié le tir. Mais pire que leur flemmardise : leur méconnaissance de la vie civique. Qu’il s’agisse du fonctionnement de nos institutions, des grandes figures qui ont marqué notre histoire – passée ou contemporaine –, des réformes et lois charnières, du nom et du bord de nos dirigeants… Leur ignorance était effrayante. Tant mieux, pouvait-on croire, que « ces gens-là » ne votent pas. Et surtout, on imaginait qu’avec l’âge les adolescents se tourneraient naturellement vers la citoyenneté. Erreur manifeste, préjugé funeste.

J’aurais cependant tort de généraliser. Une minorité non négligeable d’étudiants avait déjà battu le pavé. Ceux-ci s’échinaient, dans de longs débats sans queue ni tête, à se convaincre entre eux, à intégrer les novices dans leurs discussions passionnées, à endoctriner les plus jeunes. Ces engagés-là, malheureusement, prônaient très souvent l’abstention. « Le vote blanc, ça ne compte pas. » Et alors ? Qu’est-ce que ça coûte de mettre un bulletin vide dans l’urne si, en définitive, cela équivaut à ne pas se déplacer du tout ? De l’énergie, rien de plus. Quinze petites minutes pour exercer l’un des droits les plus beaux qu’il soit. 

À l’âge de six ans, ma mère m’a caché les yeux lors de la diffusion d’un reportage sur l’Afghanistan au JT de 13h, sur France 2. On y voyait un homme, au nez et aux oreilles coupées. Il était allé voter et avait malheureusement rencontré des talibans sur le chemin du retour. Trahi par la tache d’encre noire sur son index, il en a subi le châtiment. Bien que mes yeux n’aient jamais vu le visage de cet homme, je me le suis souvent représenté. J’ai mesuré ma chance d’être née en France. J’ai senti les responsabilités qu’incombe le statut de citoyen. J’ai compris l’espoir que nous incarnions pour ces gens mutilés, si ce n’est assassinés, pour avoir simplement osé exprimer leur voix. Quelle impression leur donnons-nous, aujourd’hui ? Celle d’avoir affaire à des enfants pourris gâtés.

Par Gaston Lécluse

Par Gaston Lécluse

Élevée en bonne petite gauchiste, Gaston Lécluse est devenue la fierté de la famille en infiltrant un journal de droite. La seconde partie du plan : épouser un lepéniste influent et continuer d’ausculter le patriotisme, le nationalisme et l’extrême droite. Même si, en vrai, c’est pour déguster des petits fours à l’Élysée quand Marine sera présidente. Pour elle, le blasphème est une religion et la prière une hérésie. Recrutée au Coq par mégarde.
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