La « bromance » des Éric

par | 23 Nov 2021

Le congrès des Républicains n’a finalement rien de très excitant. Y compris pour une mordue de politique comme moi. Pauvres encartés LR ! Obligés de trancher entre des « Sarko-boys » sans stature (excepté Philippe Juvin et Michel Barnier qui fut tout de même ministre de l’agriculture et de la pêche de 2007 à 2009), pris en tenaille entre le libéral Macron et les nationalistes Zemmour et Le Pen. D’autant que, malgré les thèmes identitaire, immigrationniste et sécuritaire omniprésents dans la campagne, la joyeuse bande tente tant bien que mal de marquer la rupture avec l’ancien journaliste du Figaro. Sauf Éric Ciotti. 

Guignol, fou ou stratège ? L’ami sudiste a en tous cas réaffirmé début octobre qu’il voterait pour le polémiste s’il devait affronter Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle. « Je récuse ceux qui, même dans ma famille politique, ont pris Éric Zemmour pour cible. Je ne crois pas que ce soit la bonne méthode », avait-il tonné sur le plateau de Cnews. Il faut dire qu’entre les deux Éric, l’amitié est au beau fixe. Après la sortie vivement critiquée de l’essayiste au sujet de François Hollande, coupable selon lui d’avoir « préféré que des Français meurent plutôt que d’empêcher des migrants de venir en France » lors des attentats du Bataclan en 2015, seul Ciotti avait refusé de le conspuer : « Je n’ai pas à juger. Qu’est-ce qui est indigne là-dedans? ». Le 18 octobre, Le Figaro révélait que cette prise de position avait valu au candidat LR un appel chaleureux de la part de Zemmour. Dans la foulée, le toujours non-candidat ne se serait pas « opposé à faire passer une consigne de vote » à destination de ses sympathisants encartés LR, afin qu’ils votent pour le député des Alpes-Maritimes lors du congrès, dont le résultat définitif sera connu le 5 décembre.

La realpolitik a-t-elle eu raison des velléités politiques supposées de l’essayiste ? En cas de victoire d’Éric Ciotti, l’autre Éric serait-il disposé à se ranger à son côté ? Le calendrier du quasi-candidat peut faire tiquer. Un premier grand meeting présidentiel – tel que présenté par des membres de son entourage – doit se tenir au Zénith à Paris, juste après l’annonce officielle de sa candidature. C’est le 5 décembre qui a été retenu par le polémiste. Histoire d’éclipser le candidat LR nouvellement désigné ou bien d’enfin construire le pont permettant l’alliance des droites, que lui et Marion Maréchal ont longtemps appelée de leurs vœux ?

Éric Zemmour s’aime. Au point de se voir en sauveur de la France éternelle. Mais il aime sans doute bien plus l’idée de France éternelle. Se ranger derrière un candidat mieux placé que lui, défendant la préférence nationale, la suppression de droit du sol, l’intervention de l’armée dans les quartiers difficiles, la fin de l’immigration et l’identité française judéo-chrétienne, quelqu’un qui se montrerait en somme à la hauteur de son idéal, cela n’aurait rien de surprenant. Mais sans doute joue-t-il une autre carte. Celle qui le placerait, lui, devant Éric Ciotti. Un Éric reconnaissant, admiratif et fidèle. Le bon chien que Nicolas Sarkozy se plaisait – et se plaît encore ! – à promener. Un Premier ministre idéal en somme. 

Superposition de suppositions hasardeuses, me direz-vous. Car encore faudrait-il que Ciotti triomphe de ses adversaires au congrès. N’oublions pas que le député est aussi le seul des cinq candidats à se revendiquer haut et fort de l’héritage de François Fillon, grand vainqueur de la primaire de la droite et du centre en 2016. Ses quelques déconvenues judiciaires ont légèrement entaché sa participation à la présidentielle – c’est peu dire ! –, ce qui explique la frilosité des Pécresse, Bertrand, Barnier et Juvin à s’en réclamer. Ils oublient cependant que le Premier ministre de Nicolas Sarkozy a écrasé l’ancien chef de l’État lui-même, puis Alain Juppé, récoltant près de 66,5% des voix au second tour, soit un peu moins de 3 millions de votants. Se couper de cette manne électorale est le piège dans lequel a décidé de ne pas tomber Ciotti, tout comme Éric Zemmour. Selon un sondage Ipsos sorti début novembre, 23,7% des électeurs fillonistes seraient tentés par une candidature du polémiste. Une chiffre à nuancer toutefois, dans la mesure où ce même sondage montrait que plus de 40% d’entre eux seraient prêts à se tourner vers Xavier Bertrand.

Par Gaston Lécluse

Par Gaston Lécluse

Élevée en bonne petite gauchiste, Gaston Lécluse est devenue la fierté de la famille en infiltrant un journal de droite. La seconde partie du plan : épouser un lepéniste influent et continuer d’ausculter le patriotisme, le nationalisme et l’extrême droite. Même si, en vrai, c’est pour déguster des petits fours à l’Élysée quand Marine sera présidente. Pour elle, le blasphème est une religion et la prière une hérésie. Recrutée au Coq par mégarde.
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