La petite sirène est iranienne

par | 27 Sep 2022

Quand un film aborde des faits historiques, il se joue toujours la même petite musique: les spécialistes cherchent les erreurs, les ricaneurs repèrent les anachronismes, et les critiques jugent la qualité de l’œuvre. Si les erreurs et les anachronismes se révèlent volontaires, ça polémique un peu en disant qu’à force de raconter n’importe quoi, on ne doit pas s’étonner si plus personne ne différencie le vrai du faux. Parfois, les films sont aussi l’occasion pour un réalisateur d’exprimer une idéologie nauséeuse comme ce fut notamment le cas d’Oliver Stone dans JFK où les thèses complotistes et paranoïaques se prenaient au sérieux. Dans ces cas-là, les débats tournent autour de la bêtise ou de la malhonnêteté intellectuelle du bonhomme en question, et des répercussions néfastes sur le public.

Dernièrement, ces questionnements sur l’étique et la vraisemblance du parti pris d’une œuvre portée à l’écran ont passionné les réseaux sociaux car, tenez-vous bien, le sujet qui indigne les indignés est de savoir si un elfe qui chevauche un dragon pour aller dans le Mordor afin d’empêcher un grand méchant de poser ses fesses sur un trône qui rouille, pouvait être interprété par un acteur qui est Noir?
Apparemment, les avis sont tranchés car un elfe, c’est comme Jésus, s’il n’est pas blanc comme un cul scandinave, c’est rien que des mensonges. C’est du sérieux, un elfe. On ne va pas, comme ça, jouer aux apprentis sorciers et changer la couleur des êtres imaginaires, et puis quoi encore ? Eh bien… dire que la sirène d’Andersen puisse, également, être Noire.

Rendez-vous compte! Une femme avec une queue de poiscaille ne peut être que Blanche. C’est logique, non? J’écris Noire et Blanche avec une majuscule lorsque la couleur de peau est vue comme une identité à part entière. Même si l’identité en question est celle d’un personnage féérique. 

En plus, c’est rigolo l’histoire de la petite sirène car il s’agit juste d’une femme qui, pour être acceptée au sein du royaume des hommes, doit apprendre à bien fermer sa gueule.
Ce genre de sirène, il en existe partout dans notre (vraie) monde. En Iran, par exemple, les femmes qui sont bâillonnées avec un voile, gueulent, manifestent, et risquent leur vie pour être libres. Sans queue de poisson, sans oreille pointue, ces femmes sont de véritables héroïnes puisque, indépendamment de leur pigmentation, de leur origine ou de leurs croyances, elles luttent pour améliorer l’humanité en voulant que les Femmes y aient leur place. J’écris Femme avec une majuscule puisque ce genre est vu comme une identité à part entière depuis la nuit des temps.

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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