Putain, huit ans…

par | 6 Jan 2023

7 janvier 2023. Déjà. Ca fait tout juste huit ans… 
Huit ans !!! 

Huit ans que le rire homérique de Cabu, l’esprit de déconnade omniprésent de Charb, l’intelligence aigüe de Bernard Maris, la gentillesse et la simplicité d’Honoré, la force de vie de Wolinski, ont été néantisées par deux abrutis dont la seule étincelle qui les rattachait à la vie se terrait dans le canon de leur Kalachnikov. 

Deux crétins abyssaux se réclamant de Dieu, enfin, d’Allah. De toute façon, ça sort du même robinet. Robinet uniquement destiné à rassurer ceux qui veulent s’y abreuver, et à leur faire bander le neurone à l’idée que leur viande va s’éclater la gueule au milieu de soixante-douze vierges, vautrés sur les nuages flottants au gré de l’azur, en lieu et place de pourrir bêtement en se faisant becqueter par les bloches sous un mètre cinquante de bonne terre. Humus qui, au passage, aurait certainement mille fois trouvé avantage à nourrir des patates ou de bons plans de beuh …

Et qu’est-ce qui s’est passé, pendant ces huit ans? Vous croyez que dieu aurait fait profil bas, fermé sa gueule, ouvert sa porte à la joie, au rire, à l’amitié, à la déconne, à la baise, à l’amour, tout simplement?

Non.

Au lendemain de cet attentat du 7 janvier 2015, une salope avait écrit: «J’ai aimé aussi ceux-là qui ont fait lever leurs victimes en leur demandant de décliner leur identité avant de viser au visage. Je les ai aimés dans leur maladresse – quand je les ai vus armes à la main semer la terreur en hurlant “On a vengé le Prophète” et ne pas trouver le ton juste pour le dire ». 

Ainsi s’exprimait une dénommée Virginie Despentes, mouillant sa (sûrement pas très) petite culotte au sujet de vos assassins terroristes, trois jours après le désastre. 

Et que croyez-vous qu’il arriva en guise d’un bouclage de tronche médiatique absolu vers lequel ces propos innommables auraient irrémédiablement dû la condamner ? 

Je vous le donne en mille ; à son intégration dans le jury de l’Académie Goncourt quelques mois plus tard. 

De votre nuage à vous, vous avez également, peut-être, suivi le chemin médiatique d’une autre écrivaine. Etrangement silencieuse concernant les propos de sa collègue que je viens de mentionner. Un peu moins quand il s’est agi d’affirmer que l’islam n’était pas pour grand-chose dans votre disparition tragique. 

Ou pour affirmer que trop de femmes politiques s’insurgeaient contre le hidjab, et pas assez pour défendre la liberté de le porter. 

On lui a donné le prix Nobel de littérature en 2022, à cette Annie Ernaux. Au lieu de la laisser croupir dans la médiocrité dont elle n’aurait jamais dû sortir.

Contrairement à un autre écrivain. Un vrai, celui-là. Qui a eu le mauvais goût de pousser l’islamophobie jusqu’à perdre à moitié la vue et sa mobilité en agressant le couteau d’un déséquilibré. Tellement atteint dans son discernement  qu’il avait parfaitement réussi à soigneusement planifier la réalisation d’une fatwa prononcée trente-sept ans auparavant par le chef d’une théocratie qui, aujourd’hui, pend les femmes qui n’acceptent plus la non liberté de ne pas se voiler la face. 

Il y a aussi, dans notre merveilleuse gauche hexagonale, quelques tout aussi merveilleuses féministes qui soignent leur électorat putatif en revendiquant énergiquement le droit de toutes ces femmes à porter ce voile. En même temps que le procureur général d’Iran Montazeri tweete : «Ne pas porter le hijab est un délit flagrant, le hijab est obligatoire par la loi, et ceci n’a rien d’un choix personnel.»

Mes amis, penser à vous, et à tout ce que vous auriez pu dire et écrire pour tenter d’exorciser toute cette actualité épouvantable, ce qui m’arrive vraiment très souvent, me fait pleurer. Mais, vu que vous serez pour moi éternellement vivants, le souvenir de votre joie et de votre esprit de déconnade me rend, en même temps, positif. 

Au moins de temps en temps.
Et, finalement, dieu, si on y réfléchit bien, lui, il n’emmerde personne.
Et j’irai même jusqu’à penser que les croyants non plus. 
Tant qu’ils se contentent d’être protégés par dieu. 
C’est juste que, quand ils se mêlent d’inverser les rôles, ça devient légèrement  problématique.

Par Christophe Sibille

Par Christophe Sibille

Christophe Sibille a enseigné la musique à de futurs instituteurs durant 32 ans. Il a aussi écrit des brèves pour plusieurs journaux satiriques ou humoristiques dont Charlie Hebdo. Dans les années 80-90, il accompagna le duo Font et Val au piano. Il anime sur Radio Balistiq l'émission "Le Balistiq café" tous les jeudi 19 heures
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