Je garde, comme un totem, la pancarte que je brandissais le 11 janvier 2015 : « Morts de rire ». Sur l’écran de mon téléphone, toujours s’affiche cette photo, prise devant le Bataclan – sinistre coïncidence –, sous l’inscription « Je suis Charlie ». Ce dimanche historique, où nous fûmes quatre millions dans les rues de France, paraît aujourd’hui irréel. Comment, neuf ans après, les chants de communion ont-ils pu se changer en cris d’orfraies ?
Coco, Corinne Rey de son vrai nom, traînée dans la vase des abysses d’Internet par de petits êtres étriqués. Le signe que la bataille culturelle – celle de la tolérance, de l’humour, de la finesse d’esprit – est désormais perdue. Ainsi l’ont annoncé les multiples études d’opinion parues ces dernières années. L’ultime, signée de l’Ifop, indiquant que 78% des musulmans considèrent la laïcité française comme discriminatoire. De part et d’autre, en Occident, s’affrontent désormais des logiques claniques et identitaires, nouveau clivage sous-tendant le traditionnel combat entre droite et gauche. Nulle place pour la caricature ou le trait spirituel. Nulle mesure ou remise en question. Simplement l’impératif de choisir son camp au mépris du questionnement. La fin de l’universalisme au profit de la division.
Oui, les insultes faites à Coco méritent qu’on lui écrive notre soutien. Mais elles cesseront dès que quelqu’un d’assez courageux regardera le reflet de notre société dans le miroir grossissant, seul capable d’anticiper les excroissances engendrées par notre lâcheté. Et prendra les mesures nécessaires pour nous rééduquer dans le sens des valeurs que nous arpentons fièrement sur nos perrons officiels, dont la première semble avoir été quelque peu oubliée : la Liberté.
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