Auteur compositeur interprète, journaliste, rédacteur en chef puis directeur de Charlie Hebdo, essayiste… Philippe Val est avant tout un intellectuel français. Il publie aux éditions de l’Observatoire le Dictionnaire philosophique d’un monde sans dieu. 71 mots dont quelques noms propres pour essayer de voir le monde tel qu’il est plutôt que de le fantasmer tel qu’il devrait être. Philippe Val nous propose de comprendre la société en y enlevant Dieu. C’est-à-dire en se passant d’un ordre naturel, supérieur et inébranlable pour nous inviter à jouir de la curiosité, du hasard et de la liberté.
Dieu est cette idée qui nous sert à expliquer l’inconnu. En observant les aurores boréales, les ouragans, la neige, la foudre… ne comprenant pas les raisons de ces «étrangetés», l’Homme s’est dit que ça devait être Dieu qui s’exprimait. Puis la science ou la somme des connaissances avérées a enlevé à une quelconque divinité la paternité de ces phénomènes. Un monde sans Dieu, c’est tout d’abord le désir de vivre dans une société où l’ignorance n’est plus un argument solennel. Car nous avons tendance à mettre Dieu là où le vide perdure; moins il y a de vide dans nos savoirs, moins il y a de Dieu; c’en est à se demander pourquoi les humains n’ont pas conclu que Dieu n’était qu’une coquille vide?
Dans son Dictionnaire philosophique d’un monde sans dieu, Philippe Val explore nos croyances ou, pour être plus précis, nos certitudes idéologiques.
On ne le répétera jamais assez mais croire en Dieu, à Dame Nature, à Karl Marx ou au pouvoir de la lune lorsqu’elle est en sagittaire, relève des mêmes œillères qui aboutissent irrémédiablement à la négation du réel. Le réel c’est chiant, il est imparfait, il ne va pas là où on lui dit d’aller, il est fait de hasard mais aussi de logique, il est fugace et complexe, il est passionnant. En revanche, l’idéal est d’une simplicité déconcertante: il est parfait, va où on veut, pas de hasard, mille questions: une solution. Et dans cette seule et unique solution se cache inlassablement Dieu ou son ersatz du moment.
Peu importe son activité, que ce soit sur scène ou dans une conférence de rédaction, Philippe Val a toujours combattu le sacré. Homme de gauche, il a eu le défaut de s’évertuer à souligner les déraillements d’une partie de la gauche avec, en ligne de mire, cette idée qu’en ajoutant le qualificatif d’extrême à la droite ou à la gauche, on ne parlait pas tant de radicalité que d’une pureté rendant ces militants compatibles au totalitarisme. La gauche ne le lui pardonna pas voire fit son possible pour le salir, le dénigrer en faisant de lui un «traître». Son crime? Dire que la gauche pouvait avoir tort puisque, pour cette jolie gauche hémiplégique, ça voulait dire que c’est la droite qui avait raison. Si Val critiquait la gauche c’est qu’il ne pouvait être qu’à droite. Ainsi vont les cons, incapables d’entendre autre chose qu’un amen après les harangues du tribun.
Il y a chez Philippe Val une parenté avec Albert Camus: Deux hommes venant de la scène, un temps encensés pour leur pertinence et leur humour, ils furent tous les deux haïs par la gauche pour avoir dénoncé les idéologies totalitaires qui arboraient fièrement une étoile rouge ou un croissant vert. Sartre et ses disciples ont fait de Camus un «philosophe pour classes terminales»; les enfants bigleux de Sartre et de ses disciples ont fait de Val un épouvantail, un salopard. Avouons qu’ils avaient eu le culot d’avoir vu ce que les autres ne voulaient pas voir. D’avoir eu le courage de dénoncer les lâchetés de leur époque au risque de ne plus être aimés par ceux qui les appréciaient auparavant.
Dans ce Dictionnaire philosophique d’un monde sans dieu, il y a tout Philippe Val: son style, sa malice, son humour et surtout l’élégance d’offrir à ceux qui partagent ou non son avis, une réflexion qui instille du doute à nos certitudes.
C’est un livre que je vous conseille modestement de lire, d’offrir, d’avoir près de vous parce que c’est toujours bénéfique un peu de nuance en ces temps obscurs.
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