Dans la série des boulots de cons qui composent 80% des activités rémunérées de nos semblables, j’avais envie de parler des employés de Streetéo et de Moovia dont il a été question, il y a quelques jours dans l’émission «Envoyé spécial» sur France 2 mais qui sont des structures dont je suis l’évolution depuis un certain temps.
Dans le même numéro d’Elise Lucet, il a été question du penseur-chercheur-provocateur américain David Graeber et son livre «Bullshit jobs»; une étude qui, bien évidemment, dépasse les frontières et rend son discours planétaire. Depuis longtemps, je me pose la question du sens du travail, de la dignité à acquérir et à conserver pour un semblant d’harmonie au quotidien. Cela fait longtemps aussi que je considère que la grande majorité des travaux exécutés contre un salaire sont des boulots de cons où la seule justification trouvée pour être en paix avec sa conscience est qu’il faut bien vivre en se rangeant derrière l’adage qui permet d’avaler toutes les couleuvres: «il n’y a pas de sots métiers, il n’y a que de sottes gens.»
Travailler par plaisir est un privilège de riches, j’en ai conscience. Mais lutter pour rester lucide et se donner les moyens de décider de son parcours, c’est aussi reconnaitre sa force individuelle pour écrire un peu de son destin.
Je défends rarement les automobilistes et à titre personnel, je n’ai plus de voiture et si je réagis c’est simplement parce que j’ai du mal à supporter l’incompétence, la bêtise, la cupidité maladive et l’injustice.
Dans le cas présent, il y a deux strates dans la connerie et l’imposture. Les employés de base qui sillonnent les rues pour traquer les voitures qui n’ont pas réglé le stationnement, qu’elles soient avec une carte «handicapé», sur une place livraison et qui sont payés pour faire du chiffre avec leurs bagnoles de mouchards et les L.A.P.I. (Lecture Automatique de Plaques d’Immatriculation). Un boulot passionnant qui doit correspondre à une vocation. Autant le système LAPI est utile pour la gendarmerie ou la Police pour être efficace rapidement, autant le système mis en place par la Marie de Paris, mais aussi à Lyon, Bordeaux, Marseille et toutes les grandes villes est une pompe à fric déguisée où les salariés (contrairement aux discours policés officiels) ont des objectifs de prunes journalières. On connait le scandale des fourrières à Paris et leurs façons d’agir avec la complicité des autorités locales (Mairie et préfecture) et le fameux stationnement gênant qui génère les enlèvements très facilement à proximité de ces «lieux de stockage» et surtout aux heures dites ouvrables (j’ai le souvenir d’une impossibilité de prendre mon véhicule, une nuit dans la capitale, ma voiture poussée par un 4×4 sur une autre bagnole et dont le côté gênant avait mis plusieurs heures pour trouver une solution !).
Le racket s’applique donc sur plusieurs niveaux et s’organise avec des acteurs aux discours bien rodés, le but ultime reste évidemment le bien-être collectif (un peu d’humour !), alors que le dénominateur commun étant la manne financière, la méthode des municipalités et de leurs complices Streetéo et Moovia est de prendre ceux qui les engraissent pour des cons et ça marche très bien. En plus le banlieusard qui, attiré par les lumières de la capitale et inconscient des risques qu’il court, grâce à M. Christophe Najdovski un stratège ( le responsable du stationnement à la Mairie de Paris), vient avec sa bagnole, ce banlieusard ne vote pas à Paris et donc ne fait pas courir de risque à la clique à Hidalgo dont les amis bobos parisiens (qui eux sont des votants) ne voient pas de justifications aux deux principaux reproches: la circulation et la saleté croissante.
Streetéo et Moovia travaillent avec des petites mains sur le terrain mais dans les hautes sphères, on discute avec les décideurs des grandes villes qui ont du mal à s’exprimer sur le sujet. C’est amusant, cette pudeur ! De grands timides! Le vent serait-il en train de tourner avec les courants d’argent public, après les centres commerciaux et les ronds-ponts qui ont permis de faire plaisir à des amis fidèles?
Finalement dans une activité qui génère des milliers de boulots de cons, ceux qui tirent les ficelles le sont beaucoup moins ou même pas du tout, en tout cas, ça fait belle lurette qu’ils savent que pour réussir, il faut s’asseoir, mais pas n’importe où: s’asseoir sur ses scrupules et sa dignité.
Par Thierry Rocher
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