Encore une fois, ce ne sont pas les sujets qui manquent, cette semaine. J’aurais pu disserter sur le couillon qui, sur ma page Fessebouc, est venu défendre Pierre Rabhi-de-la-crèche sur lequel je passais mes nerfs, sous-entendant que je m’en prenais au pape de la pensée magique agricole par racisme. Ou m’attaquer à ce sociologue avec du doré dessus, François Héran, qui vient stupidement flinguer la liberté d’enseignement au nom du droit de croire, en se cachant derrière un texte de Ferry, à croire que le Collège de France où il professe est un bahut de ZEP. Sans oublier la valse des comiques du monde politique qui hurlent qu’en cas de nouveau report des régionales, on assisterait à un déni de démocratie, les mêmes qui l’an passé reprochaient au gouvernement d’avoir maintenu les municipales en pleine pandémie, tout en ayant bramé qu’il fallait les conserver la semaine précédente, parfaits héritiers de Zébulon du Manège Enchanté et si vous ne connaissez pas Zébulon, c’est que vous êtes trop jeunes et je n’aime pas les jeunes. Notez, je n’aime pas les vieux, non plus.
En revanche, comme je l’ai déjà dit ici ou là, mais vu que vous ne me lisez qu’ici, on va dire que c’est dans les colonnes du Coq que j’ai déjà sorti mon militantisme ludique, j’aime jouer. Et je ne vais pas me gêner pour en reparler. Car je suis un petit gars obsessionnel, c’est comme ça, faut faire avec, vous n’avez qu’à demander à mes ex, je suis un obsédé, mais ce n’est pas le propos, ma vie sexuelle n’étant pas un sujet que j’aborderais ici, car on ne parle pas des absents. Ma vie ludique, elle, elle va bien. Avec les copains, on joue au jeu de rôles en ligne, ce n’est pas le top du top, il manque les bouteilles de Coca Zéro sur la table, y a pas PetitFred derrière le cache et on ne voit pas Sylvain engloutir un plein paquet d’Harlequin – d’ailleurs, je ne pige pas comment il peut bâfrer ces immondices acides. Alors que moi qui suis normal, ce sont les paquets de Fraises Tagada que je ravage pendant une partie, faut être sérieux – mais bon, c’est mieux que rien.
Or, rien, c’est exactement ce que vivent les boutiques de jeux, exclues sans se poser de question du monde culturel marchand et donc fermées comme de quelconques vendeurs de chaussettes. Ben quoi, les cultureux de service nous ont tambouriné le neurone à essentialité pour les librairies, avec raison, pourquoi nous, les ludivores, nous ne ferions pas de même avec les magasins qui nous fournissent nos drogues ludiques ? Parce que c’est du même tonneau, soit on a déjà une bibliothèque et une ludothèque bien fournie et on se contrebranle des nouveautés, on vit sur son stock, soit on aime bien découvrir des nouveautés et on a besoin des vendeurs. De livres comme de jeux. Et je dirais même, encore plus, dans le monde du jeu. Si on veut profiter du confinement et du couvre-feu pour jouer en famille et qu’on en a marre du Monopoly, il faut l’aide du vendeur de la boutique pour savoir quoi prendre. Sur un site internet, aussi bien foutu soit-il, si on n’y connaît rien, on ne commande rien, c’est pire qu’une librairie en ligne.
C’est encore une fois la preuve que le ludique n’est pas reconnu comme un médium culturel en France. Certes, les jeux vidéo made in la patrie de Descartes et de Mireille Matthieu sont reconnus, mais on nous parle toujours des chiffres de vente, jamais du contenu. Tiens, par exemple, un studio français bosse sur un concurrent du mastodonte Civilization, appelé Humankind, qui doit sortir à l’automne, à part la presse et les sites spécialisés, personne ne s’y intéresse, alors qu’il s’agit d’un putain de défi. Et je ne vous parle même pas du monde du jeu de société ou jeu de plateau, carrément ignoré par la médiasphère classique, alors que des créateurs se cassent le fion à trouver de nouveaux concepts, des systèmes malins, salut Bob, ou des univers inexplorés, comment ça va Docteur Sam ? avec une énergie et un courage de dingues. Et pas pour les sous, hein, éditer un jeu, c’est comme publier un bouquin, pour un Marc Lévy, 50 000 auteurs qui ne dépasseront pas la centaine de ventes, idem pour les boites de jeu.
Tiens, ça me fait penser à un vieil article que j’avais lu dans Jeu et Stratégie et dont on avait discuté avec Henri, mon vieux pote qui est devenu mon cousin, putain, ma vie, c’est Game of Thrones, sur une plage à Menton au début des années 90. Pour un long papier sur le jeu en France, le magazine avait essayé d’avoir une interview du sémillant Jack Lang, ministre de la Culture de l’époque. Qui avait ignoré cette demande, le ludique, ce n’était certainement pas digne de sa sémillance. Probablement pas assez culturel. Le jeu, c’est bon pour les enfants ou les vieux tapeurs de carton dans le fond des troquets, pas pour les vrais amateurs de culture. Eh bien, 30 piges après, malgré le développement du médium jeu dans la société, c’est tout pareil, et tant pis pour les boutiques de jeu. La Culture, c’est pas pour les petits joueurs
Bon, ben, je vais ressortir la Bonne Paye.
PS : il y a une pétition qui traîne sur le Oueb à ce sujet, mais je ne la retrouve pas.
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